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Le grand sommeil - Howard Hawks (1946)

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Message par stalker Jeu 24 Juin - 3:45

Le général Sternwood engage le détective privé Philip Marlowe pour régler une affaire de chantage dont il est victime. Un dénommé Geiger possèderait des photos compromettantes de sa fille cadette, Carmen. Mais Marlowe découvre que le maître chanteur a été assassiné. Rapidement, les cadavres s'accumulent et l'intrigue se complique. De nombreux personnage entrent en scène, dont Vivian, la soeur aînée de Carmen.

Le grand sommeil - Howard Hawks (1946) Thebigsleep

Ce film fait partie, à mes yeux, de ceux dont on a l’impression que tout a été dit. L’impression qu’on les a vus et revus, épuisés peut-être, et qu’il n’y a plus qu’à les revoir, et les revoir encore, sans rien ajouter. C’est tout le problème avec les grands films. A quoi bon en ajouter, c’est vrai. D’autant que ce que je vais en dire n’aura rien de nouveau ; d’autant que je ne vais livrer que des commentaires personnels, alors…

Mais tout de même, si tout le monde décide de s’abstenir de parler de ces films dont il n’y a plus rien à dire, alors, d’ici quelques générations, ils finiront par tomber dans l’oubli. Ce serait regrettable. D’autant que depuis l’après-guerre, le cinéma a su prendre bien d’autres tournures, bien d’autres formes, bien d’autres décisions. Que ferait-on d’un roman de Raymond Chandler aujourd’hui, à l’écran ? Un remake ? Mais qui tenterait l’expérience ? Un Cronenberg ? Un Tarantino ? Un Audiard ? Un Corneau ? Le premier roman de Chandler savamment investi par un témoin pertinent du début du XXIème siècle, qui ne conserverait du texte de 1939 que la matière transposable soixante-dix ans plus tard, afin de démontrer que rien de vraiment nouveau n’a eu lieu ici bas depuis tout ce temps, et que l’homme, en premier lieu, est toujours le même, animé des mêmes pulsions ; que les conflits historiques n’y ont pas changé grand-chose, sinon en inaugurant quelques pirouettes qui touchent à des droits et à autant d’interdits ; que le cinéma s’est bien mieux porté qu’aujourd’hui, mais qu’il est aussi l’un des seuls supports en mesure d’entretenir la mémoire, d’en témoigner sans forcément s’y embourber lamentablement, de mettre au goût du jour (et aux couleurs) une trame qui, à l’époque, nous promettait un vingt-et-unième siècle formidable.

C’est l’histoire du bien et du mal. Des vices et des vertus. Des hommes et des femmes. Certains de ces individus sont corrompus et d’autres non. Les seconds font en sorte de mettre fin aux actes des premiers, et les punissent. Générique de fin. On rentre chez soi et on s’endort. Mais le lendemain, ça recommence. Les bons butent toujours les méchants ou les expédient derrière les barreaux, et ainsi de suite. Dans tous les cas, il s’agit de faire en sorte que l’ordre règne au sein d’un corps social compliqué. Il peut aussi s’agir de simplement survivre, mais l’histoire est la même. Et, dans l’histoire, on ne cesse jamais d’éprouver le besoin d’aimer et l’envie d’être aimer. Nous désirons et, en attendant de crever, nous n’avons que ça à faire ici bas, pour passer le temps et parce qu’on est constitué de sorte à éprouver ces pulsions premières, irréductibles, et à les mettre en œuvre dans la foule de nos semblables. Alors l’histoire se répète. Toujours identique, au fond.

C’est alors que la forme intervient. Qu’on le veuille ou non. C’est bien joli de raconter encore des histoires de flics et de truands, mais si c’est mal écrit (ou pas écrit du tout) ; si le récit n’a pas de forme, à quoi bon ? On pourra toujours rétorquer que la forme ne fait pas le sens, mais nous revenons ici au précédent paragraphe. Et le sens dénué de forme, je crains qu’il ne passe inaperçu – sinon pour quelques témoins malchanceux qui se sont trouvés au mauvais endroit et au mauvais moment pour assister à la naissance d’un sens informe.

C’est précisément ici que le film d’Howard Hawks prend tout son sens. Là où un médiocre réalisateur contemporain se casserait les dents en adaptant un best-seller à la demande d’un producteur peu scrupuleux, Hawks s’empare du roman de Chandler et, tout en le respectant, en le saisissant, livre un chef d’œuvre.
Le déplacement n’est pas subtil, il est remarquable : un cinéaste s’approprie une création littéraire. Là où, aujourd’hui, quelques foules de puristes n’auront rien d’autre à faire que chercher la réplique d’un roman sur un grand écran, Hawks réalise un film qui va marquer le septième art. Là où notre société sacrée du spectacle ne parviendra qu’à nous offrir un médiocre copié-collé de best-seller dans le seul but de sucer le porte-monnaie des spectateurs dociles, Hawks offre une perle noir et blanc, mais surtout noire. En peu de mots, Hawks ne se contente pas de s’accaparer l’œuvre de Chandler en vue d’un vulgaire recyclage rentable. Il fait du cinéma.

On peut comprendre ici pourquoi (et comment) Jean-Pierre Melville se référait si souvent au cinéma noir américain. Ses propos nous frappent quand on découvre ses films, et en particulier Bob le flambeur, Deux hommes dans Manhattan, Le doulos ou Le deuxième souffle.
Nous comprenons de quoi Melville parlait quand on découvre, par exemple, Le grand sommeil. On comprend mieux son attachement aux décors et aux détails, son amour pour les plans séquences en huis-clos, pour le traitement de l’image noir et blanc, pour la vigilance des mouvements de caméra. On comprend le soin apporté à l’éclairage ; cette lumière et ces ombres qui, dans l’espace et le temps définis par le cadre, révèlent des personnages en scène. On comprend aussi pourquoi ces réalisateurs consacraient tant de temps à regarder les films de ceux qu’ils admiraient. On comprend enfin pourquoi il leur arrivait de passer des années à chercher des acteurs et des actrices – les acteurs et les actrices susceptibles d’incarner à la perfection leurs personnages. Quitte à prendre des risques, quitte à dépenser des fortunes, quitte à patienter longtemps et à prier leurs producteurs de patienter aussi. Du moment que tous les ingrédients sont réunis et promettent la réussite d’un grand film, digne de ce nom.

Hawks, au terme de cette quête minutieuse, mit en scène Humphrey Bogart et Lauren Bacall. Le scénario est signé Leigh Brackett, Jules Furthman et William Faulkner.

Le grand sommeil, de Raymond Chandler, est paru à la Série noire en 1948 (n°13). J’ignore en quelle année le film de Howard Hawks est sorti en France, mais il se peut qu’il ait précédé la sortie du roman traduit.
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Message par Ernest Kurtz Jeu 24 Juin - 10:31

Intéressante approche un peu de biais de ce chef d'œuvre. Effectivement, c'est une œuvre de Hawks, mais j'ai tendance à penser que le rôle joué par Faulkner et de Brackett est plus important que ce que tu dis.
Il y a trop longtemps que je l'ai vu pour pouvoir vraiment en parler, mais me restent en mémoire la silhouette, les attitudes, les -fameuses- répliques et la classe absolue de Bacall (même si je sais que je confond parfois avec "Le port de l'angoisse" du même Hawks, avec les mêmes Bacall & Bogard).
La bande-annonce d'époque a un début amusant..


Concernant cette question de remake/mise au goût du jour, il y a quand même eu l'adaptation de The long goodbye (Sur un air de navaja en français) de ce même Chandler par Robert Altman en 1973 sous le titre Le privé (The long goodbye) qui est un excellent film et une adaptation tout à fait contemporaine, tant dans la forme que sur le fond (et dans lequel on retrouve Brackett au scénario...)
Et juste pour ceux qui s'intéressent à Hawks, il y a le bon bouquin de Todd Mac Carthy, appelé simplement Hawks sorti chez Actes Sud à la fin des années 90.
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Message par Manuel Jeu 24 Juin - 12:45

Eh ben, je croyais que ce film avait déjà été chroniqué ici et je découvre avec surprise qu'il ne l'était pas.

Pas grand-chose à ajouter au commentaire de Stalker. "Le grand sommeil" est la référence absolue du film de détective : Bogart en imperméable, trottoirs luisants sous la lune, filles peu farouches, gangsters riches et puissants. Il paraît difficile, après ça, de trouver quelque chose de nouveau. Signalons que la scène finale, où le gangster se fait tuer par ses propres hommes, a été reprise telle quelle par Hawks dans un autre film : "El Dorado".

En revanche, je suis en désaccord avec Stalker quand il parle de bons et de méchants. Il n'y a pas de bons dans ce film. Même Bogart : quand il s'obstine à poursuivre son enquête, alors que son travail est terminé, on n'a pas l'impression qu'il veut rendre service à la société. Cela ressemble plus à une obsession.

J'ai entendu dire que Hawks et Faulkner voulurent faire ce film pour rendre service à Chandler qui avait des problèmes financiers.

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Message par Chewie Jeu 24 Juin - 23:57

Il n'y a pas de bons dans ce film. Même Bogart : quand il s'obstine à poursuivre son enquête, alors que son travail est terminé, on n'a pas l'impression qu'il veut rendre service à la société. Cela ressemble plus à une obsession.

Le personnage en devient même carrément antipathique, et c'est ce qui m'a frappé lorsque j'ai découvert le film sur Arte il y a quelques mois, cette ambivalence du héros, le trouble de ses motivations et son côté hardboiled poussé à un extrême presque dérangeant.

Le film a aussi réussi à rendre le foisonnement (voire la confusion) du roman, je ne sais pas si c'était volontaire, mais c'est à mon avis un autre point fort d'avoir ainsi su capter "l'esprit" du bouquin.

Au début je me suis assis par pur curiosité littéraire, avec même l'impression de voir une sorte de caricature tant le film incarne le film noir des années 40 tel qu'on peut se le représenter, et puis j'ai vite été rivé à mon fauteuil, scotché par la puissance du film.
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Message par stalker Ven 25 Juin - 1:08

Ernest Kurtz a écrit:Intéressante approche un peu de biais de ce chef d'œuvre. Effectivement, c'est une œuvre de Hawks, mais j'ai tendance à penser que le rôle joué par Faulkner et de Brackett est plus important que ce que tu dis.
Je parle très peu de Faulkner (presque pas du tout, même), c'est vrai. En revoyant ce film, je me suis essentiellement braqué sur la prestation du metteur en scène et des plans de caméras. Je t'avouerais même que je n'ai plus fait attention à l'histoire, que je connais très bien. Enfin, je crois que c'est le propre d'un excellent film de pouvoir être lu ou analysé sous plusieurs angles. Et je cite précisément Melville pour cette raison. Le deuxième souffle est stupéfiant à ce niveau-là, par exemple. Je pense qu'on peut aussi revoir Le grand sommeil en s'attardant exclusivement sur le scénario, et ça fonctionnera.
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Le grand sommeil - Howard Hawks (1946) Empty Re: Le grand sommeil - Howard Hawks (1946)

Message par Ernest Kurtz Ven 25 Juin - 16:33

Totalement ok avec toi, stalker, il y a des films dont on aurait envie et pourrait parler à de nombreux niveaux différents tellement le tout est bon.
Chewie parle du foisonnement (voire de la confusion) du roman bien rendu par le film. A ce propos, il circule une anecdote assez connue - sans doute modifiée et arrangée avec le temps-: on dit qu'un jour, en arrivant sur le plateau, Bogard aurait demandé à Hawks qui, dans l'histoire, était l'assassin du chauffeur. Hawks aurait cherché dans le script, rien trouvé, et alors fait demander à Faulkner qui avait tué le chauffeur. Lui non plus n'en savait rien. Ils auraient alors demandé à Chandler... qui ne le savait pas plus. D'ailleurs Hawks répondait, quand on lui demandait la signification du titre:
"Je n'en sais rien, probablement la mort, c'est un titre qui sonne bien. Je n'ai jamais bien compris l'histoire du grand sommeil. Le scénario fut écrit en huit jours. Tout ce que nous avons essayé de faire c'est de rendre chaque scène la plus divertissante possible. Nous ne savions pas quelle était l'histoire. On m'a demandé qui a tué untel ou untel, je ne le savais pas, on a envoyé un câble à l'auteur qui ne le savait pas non plus puis au scénariste qui ne le savait pas plus."
Comme quoi une œuvre peut échapper à son créateur, et la cohérence logique et rationnelle n'est pas une absolue nécessité...
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