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Shutter Island - Martin Scorsese (2010)

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Message par Chewie Ven 9 Avr - 13:38

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En 1954, le marshal Teddy Daniels et son coéquipier Chuck Aule sont envoyés enquêter sur l'île de Shutter Island, dans un hôpital psychiatrique où sont internés de dangereux criminels. L'une des patientes, Rachel Solando, a inexplicablement disparu. Comment la meurtrière a-t-elle pu sortir d'une cellule fermée de l'extérieur ? Le seul indice retrouvé dans la pièce est une feuille de papier sur laquelle on peut lire une suite de chiffres et de lettres sans signification apparente. Oeuvre cohérente d'une malade, ou cryptogramme ?


Je suis finalement allé voir l’adaptation du roman de Dennis Lehane, un bouquin que j’avais plutôt bien apprécié malgré le sentiment de m’être un peu fait avoir (logique avec ce style de narration où tout repose sur le gimmick final). Force était de constater que Lehane avait pondu, à défaut d’un grand roman noir, un thriller plutôt bien ficelé, avec du rythme et une ambiance très prenante.

Quid de l’adaptation sur grand écran ? Scorsese a rendu une copie trop appliquée et limite bourrine. Certains ont critiqué le jeu de DiCaprio, je l’ai trouvé plutôt convaincant en flic et assez sobre en psychotique, là où d’autres en auraient fait des tonnes. Même mention pour Ben Kingsley et Mark Ruffalo : sobriété et justesse sont au rendez-vous. Finalement, ce qui m’a le plus dérangé, c’est le manque de subtilité de Scorsese.

Si la première scène sur le bateau est bien vue, avec son trucage un poil trop évident, la deuxième partie du film finit par lasser : trop d’onirisme, trop de plans graphiques, et une surenchère d’hémoglobine pas du tout justifiée par la narration. C’est lourd, et la mise en abîme de la folie du flic est trop longue à se mettre en place, provoquant une lassitude supplémentaire. Les 2h07 ne sont pas vraiment nécessaires : un format plus sec d’1H45 n’aurait pas été un scandale, on a l’impression que c’est un peu un alibi pour dire : « vous voyez, c’est tiré d’un bouquin, c’est long ».

Le plus dommageable, c’est le dénouement. Là où le bouquin pouvait se lire à plusieurs niveaux (enfin, m’a-t-il semblé), ici le spectateur est parfaitement emmené par la main dans un sentier bien mieux balisé : Daniels est malade, et le gouvernement ne complote que dans la tête des psychotiques, ouf. Habile "récupération" d’un thème plutôt dérangeant du livre : et si nous étions des nazis pour nos propres fous ? Assez dommage de la part d’un type comme Scorsese.

Tout en étant un film potable, c’est certainement un échec pour ce réalisateur : en dépit de son talent, il n’a pas su rajouter quoi que ce soit d’intéressant au livre, et l’a même alourdi de plans séquences pompières inutiles.
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Message par Ernest Kurtz Ven 9 Avr - 14:22

Je serais un peu moins dur que Chewie; moi, j'y ai vu un grand spectacle hollywoodien bien mis en scène, bien joué, j'ai aimé les décors, l'ambiance. Bref, le bon produit professionnel qui m'en donne pour mon argent. (Pour le scénario, ayant lu moi aussi - mais pas aimé- le Lehanne, je ne m'attendais pas à être surpris).
Le seul problème, c'est que j'ai toujours dans le cœur les grandes œuvres scorsesiennes (Mean streets, Taxi driver, Raging Bull, Les affranchis, Casino) et c'est vrai qu'en allant voir ses nouveaux films, j'espère toujours un peu, je me dis que "et si..". Avec une telle attente, depuis Casino, évidemment il y a déception. D'où mon sentiment sur le fond mitigé: je ne sais plus si je verrai à nouveau du grand Scorsese, mais je sais que je peux aller voir les films d'un type appelé Martin Scorsese si je veux aller voir un spectacle parfaitement manufacturé.
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Message par edmond Gropl Ven 9 Avr - 22:13

Chewie a écrit:[

Je suis finalement allé voir l’adaptation du roman de Dennis Lehane, un bouquin que j’avais plutôt bien apprécié malgré le sentiment de m’être un peu fait avoir (logique avec ce style de narration où tout repose sur le gimmick final). Force était de constater que Lehane avait pondu, à défaut d’un grand roman noir, un thriller plutôt bien ficelé, avec du rythme et une ambiance très prenante.

.

Je trouve que le genie de ce livre est d'avoir inclu cette astucieuxe histoire schizo en plein conflit entre école thérapeutique. C'est plus qu'une astuce, il y a un fond.
Mais je ne voyais pas trop comment tout cela aurait pu être cinématographiquement traduit.
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Message par limbes Ven 9 Avr - 22:44

Moi c’est marrant mais le côté léché, hollywodien, grand spectacle, je l’ai vu comme la prolongation de l’obsession de normalisation des psychiatres de l’île, via des processus purement comportementaux, comme si dans les deux cas il ne s’agissait pas de considérer un traumatisme pour ce qu’il est mais de le rendre acceptable, viable, transformable uniquement dans ce jeu d’apparence. Avec cette idée aussi que la fiction, et là, au niveau purement cinématographique, on est clairement dedans, ne peut rien, finalement. Elle peut tout, mais au final, elle ne peut rien. La fiction ne marche pas parce qu’elle renvoie à l’abjection de la vie et ne la surmonte jamais. Soit on reste dans le déni (la fiction) et on se fait lobotomiser (ou enfermer, ou électrechoquiser, ou autres), soit on accepte la réalité et elle nous tue. Je l’ai perçu pour ma part (mais mon cerveau est certainement perturbé) comme un film atrocement pessimiste sur le cinéma et sur la vie tout court. Et donc je trouve que le film est malgré tout intéressant si on le rapporte à la façon dont on traite, aujourd’hui, le fou et/ou le criminel.
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Message par Chewie Dim 11 Avr - 1:05

limbes a écrit:(...) je l’ai vu comme la prolongation de l’obsession de normalisation des psychiatres de l’île, via des processus purement comportementaux, comme si dans les deux cas il ne s’agissait pas de considérer un traumatisme pour ce qu’il est mais de le rendre acceptable, viable, transformable uniquement dans ce jeu d’apparence. (...) La fiction ne marche pas parce qu’elle renvoie à l’abjection de la vie et ne la surmonte jamais (...)

La vache, Limbes, tu manipules là des concepts qui surpassent largement mes capacités de compréhension d'un film...

Ma grille d'analyse était plutôt simple :
- l'adaptation du livres et des thèmes que j'y avais compris est-elle fidèle et réussie pour moi ?
- la travail du réalisateur est-il à la hauteur de son talent et de sa réputation ?

Du coup, entre ceux qui n'ont pas saisi le final twist et sont ressortis en disant: "ce film est nul, on comprend rien", ceux qui comme moi y ont été de leur petite lecture et les analyses de profondeur comme la tienne, je me pose une question : un film hollywoodien pourrait-il être moins superficiel qu'il n'y paraît et posséder plusieurs niveaux de lecture et de compréhension suivant le bagage intellectuel et culturel des spectateurs ???
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Message par Ernest Kurtz Dim 11 Avr - 10:44

Chewie a écrit:
Du coup, entre ceux qui n'ont pas saisi le final twist et sont ressortis en disant: "ce film est nul, on comprend rien", ceux qui comme moi y ont été de leur petite lecture et les analyses de profondeur comme la tienne, je me pose une question : un film hollywoodien pourrait-il être moins superficiel qu'il n'y paraît et posséder plusieurs niveaux de lecture et de compréhension suivant le bagage intellectuel et culturel des spectateurs ???
Je serais tenté de répondre d'emblée: évidemment oui. Chacun sa grille de lecture et chacun ses critères d'appréciation. De toute façon, ma grille d'analyse est encore plus simple (voire carrément primaire) : est-ce que j'ai vu un bon film ? (effectivement, ensuite, voir en quoi il est bon, c'est-à-dire en quoi me donne-t-il du plaisir -des plaisirs- ?)
Cela dit, moi aussi, les réflexions de limbes m'ont un peu laissées sur le cul; une espèce de lien entre le fond et la forme du film que je n'avais pas du tout perçu (et qui d'ailleurs ne me paraît toujours pas évidente...). Pour moi, si tant est que la forme du film devrait correspondre à la vision d'un des protagonistes, ce serait alors plus basiquement celle du personnage joué par Caprio. Oui, mais en même temps, comme les psy de l'île tentent de ramener ce personnage au réel - à leur réel-, n'est-ce donc pas finalement la vision de la réalité selon les psy imposée à et vue par Caprio que la forme du film montre ? Merde limbes, je vais finir par être obligé d'aller le revoir.
En fait, ta question, ce serait pas : en quoi le cinéma hollywoodien est-il normalisateur ?
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Message par limbes Dim 11 Avr - 18:17

C’est peut-être un bon exemple de ce qu’on plaque sur un film, en dehors de lui-même (un délire interprétatif, smiley honteux), je me dis ça en relisant mon truc et vos commentaires pertinents. Car l’objection d’Ernest me paraît fondée, et du coup je me demande bien pourquoi je l’ai vu de cette façon (moi aussi, il faudrait que je le revoie). Je crois que c’est surtout l’aspect méthodologique et les visées des psys (qui certes veulent ramener l’individu à une réalité, mais pas pour réfléchir sur celle-ci ou l’aider à vivre mieux, y compris avec sa souffrance, juste pour continuer à l’enfermer plus sereinement), qui m’a paru avoir un lien avec la forme de ce genre de cinéma. Mais bon, ce n’est pas profond, c’est fumeux parce qu’ici, très certainement, si je réfléchis, je plaque une opinion et une sensibilité préalable (ce n’est donc pas vraiment une grille d’analyse, mais une grille tout court, qui enferme ce qu’elle croit saisir pour conforter un point de vue). La preuve de ça, est que je ne suis pas en mesure d’argumenter vraiment, que la pensée se dérobe et si elle se dérobe, c’est qu’elle n’existe pas ; qu’elle n’est pas valable, qu’elle ne correspond à rien.

De façon générale, il faut bien avouer que je m’abrite souvent derrière ma subjectivité pour parler d’un film ou d’un livre, mais c’est peut-être bien plutôt pour masquer mes manques et mes lacunes, ne permettant pas de considérer l’œuvre pour ce qu’elle est (ou, au moins, tenter de le faire). Alors je pars de ce que j’ai ressenti, puis j’essaye de trouver des indices, de faire une sorte d’enquête à rebours, pour voir ce qui pourrait expliquer mes émotions ou mes pensées. C’est partiel, partial, parfois même complètement imaginaire (je crois voir quelque chose qui n’existe tout simplement pas). Ça correspond sans doute aussi à une sorte d’inclination mentale pénible, sans cesse en train d’essayer de chercher des significations et du sens à ce qui n’en a peut-être pas (pas seulement à propos de films ou de livres, dans la vie aussi, je ne distingue pas).
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Message par Chewie Dim 11 Avr - 22:09

Chacun sa grille de lecture et chacun ses critères d'appréciation.

Oui, bien sûr, mais ce que je voulais dire c'est : est-ce que les niveaux d'interprétation seraient prévus/programmés par les concepteurs du film ?

Le réalisateur va voir un producteur et lui dit : "Ok, ça s'appelle Fast Cars, c'est une histoire de course à mort dans des voitures de stock cars, avec histoire d'amour qui va bien et le meilleur ami qui meurt dans les bras du héros. Le spectateur moyen (tranche A) y verra un bon film d'action pour public jeune et masculin, le spectateur éduqué (tranche B) y verra une critique de la civilisation de l'automobile et le spectateur intellectuel (tranche C) pourra y voir une réflexion sur la mécanisation de la mise à mort du moi dans un environnement aseptisé où la sélection naturelle n'a plus lieu d'être".

Honnêtement, je doute. J'ai plutôt l'impression que l'industrie du cinéma se contente de cibler la tranche A, que les réalisateurs essaient de se dire qu'ils font aussi un travail pour la tranche B, qui inclut cinéphiles et critiques, et que le niveau C relève plutôt du niveau de la recherche, de travaux exclusifs et pointus où la projection de l'analyste joue aussi certainement une part importante, comme semble le suggérer Limbes.
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Message par limbes Dim 11 Avr - 22:36

Là Chewie tu poses la question de l’intention de l’auteur, et ça m’évoque deux trucs :
D’une part le fait que un film ou un livre ou n’importe quoi d’artistique ne peut pas se réduire à une intention, parce qu’il y a quelque chose de l’ordre de Frankenstein, la créature qui échappe à celui qui la crée, de toutes façons, quoi qu’il fasse (outre le fait de la réception multiforme, en elle-même) ;
D’autre part, il me semble qu’il y a pas mal d’exemples d’investissement dans un film ou un livre dit de genre qui s’empare de la forme pour en livrer, à ceux qui le veulent, d’autres interprétations (je pense à Romero cher à Txoa, ou à un réalisateur comme Carpenter. Et le roman policier me paraît aussi un bon exemple de ça, cette idée qu’on peut à la fois divertir et émouvoir et faire réfléchir, que les deux ne s’excluent pas nécessairement.
Tout cela n’empêche pas ce que tu dis, les produits calibrés pile poil et fermés sur eux-mêmes, sauf pour les détraqués qui ne peuvent pas s’empêcher de penser que peut-être, quelque part, il y aurait encore autre chose…
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Message par limbes Dim 11 Avr - 23:11

Il y a aussi quelque chose qui m’est propre, en tant que détraquée, c’est cette idée que je n’ai du tout envie de me divertir, en général, ça ne m’intéresse pas, ça ne me fait pas plaisir, il y a tellement de choses dans la vie qui le font si bien que ce qui m’importe c’est surtout le reste, ce qui ne me divertit pas au sens où ça me ramène à des préoccupations existentielles, fondamentales, importantes (c’est de ne pas me divertir qui me fait extrêmement plaisir, et pas du tout sur un mode masochiste ou je ne sais quoi d’aride, au contraire, c’est extrêmement jouissif). Ce n’est pas "prise de tête", comme on dit, je n’aime pas cette expression, c’est au contraire tout l’inverse. C’est ça qui m’embête, cette idée d’un emmerdement intellectuel, avec le mépris qui va avec. Mais il y a des œuvres, qui sous couvert d’élitisme et de sélection haut de gamme, sont vides et creuses, aussi. La frontière n'est pas stable et facilement isolable.
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Message par Chewie Lun 12 Avr - 12:32

limbes a écrit:(…) un film ou un livre ou n’importe quoi d’artistique ne peut pas se réduire à une intention, parce qu’il y a quelque chose de l’ordre de Frankenstein, la créature qui échappe à celui qui la crée (…)
Oui, je suis parfaitement d’accord avec toi, et en allant plus loin, on pourrait même dire que c’est ce qui caractérise l’artiste : cette sensibilité particulière dans sa vision du monde (son style, sa patte, sa touche) qui va permettre de révéler à son public un certain nombre de choses, de constats ou de questions dont la profondeur peut très bien lui avoir échappé lors du processus créatif. C’est même sans doute assez recommandable, cette non conscience de l’artiste de ses propres processus de filtrage ou de révélation, sous peine de voir l’art pollué par l’intention, avec le risque de tourner à la démonstration, à la réthorique, voire à l’idéologie.

Toutefois, j’avais cru comprendre, quand tu évoquais le côté léché de la photographie de Shutter Island, et le processus de normalisation psychiatrique, que tu pensais que c’était intentionnel de la part de Scorsese, d’où mes questions en ce sens. D’ailleurs, après réflexion, je pense que ta remarque est plus que judicieuse : comment un réalisateur, et donc un professionnel et un artiste de l’image, qui plus est de talent, en tous cas considéré comme un artiste et pas juste un faiseur de divertissement, n’aurait pas réfléchi, même de façon informelle, à la signification de l’image dans une production comme celle-ci ?

Et le roman policier me paraît aussi un bon exemple de ça, cette idée qu’on peut à la fois divertir et émouvoir et faire réfléchir, que les deux ne s’excluent pas nécessairement.
Oui, je crois que c’est aussi pour ça que nous apprécions tous ici le roman noir : parce qu’il fait appel à une réflexion sur la part d’ombre en chacun de nous, en dehors de toute « intrigue », de toute « énigme », aussi ardue et bien ficelée soit-elle.

C’est là, à mon sens bien sûr, la différence fondamentale entre roman noir et thriller : non pas l’aspect commercial ou grand public présumé du second (qui est un faux débat, une querelle de chapelles, puisque les deux genres relèvent également de la littérature populaire), mais sur le ressort principal de la narration : là où le thriller fait appel au goût du mystère, du secret, du complot, le roman noir fait appel à la fascination morbide pour la nature humaine dans ce qu’elle a généralement de moins reluisant.

C’est pourquoi le néo-polar tel qu’il s’est imposé depuis trente ans en France a fini par m’ennuyer. S’il était intéressant avec Manchette ou Fajardie, il est devenu inepte avec une série comme Le Poulpe, car l’intention y est devenue prédominante et ce que je citais plus haut, démonstration, réthorique et idéologie, y ont tué le processus créatif et l’intérêt pour la noirceur humaine sous toutes ses formes, puisque les « méchants » y ont été réduits aux seuls fascistes et à leurs électeurs/complices. C’est pas du roman noir, mais de la bibliothèque verte pour jeunes communistes (c’est pas une attaque ni une critique, juste un constat. Mon premier texte jamais publié, c’était dans Pif gadget).

Il y a aussi quelque chose qui m’est propre, en tant que détraquée (…) Ce n’est pas "prise de tête", comme on dit, je n’aime pas cette expression, c’est au contraire tout l’inverse. C’est ça qui m’embête, cette idée d’un emmerdement intellectuel, avec le mépris qui va avec (…)
Il ne faudrait pas que tu sois inclinée à penser que ma remarque sur la complexité des concepts que tu évoquais puise être une méchanceté déguisée ou un quelconque mépris pour l’intellectualisme de ta démarche.

La question du QI est un tabou en France, car trop contraire à la sacro-sainte croyance républicaine de l’Egalité. La vérité, ou plutôt la réalité, c’est que tandis que des gens sont assez limités intellectuellement, d’autres ont des capacités intellectuelles supérieures. C’est comme la taille des seins ou de la bite. C’est pas juste, mais à un moment donné, si on veut se réaliser en tant qu’être humain et tenter d’être heureux, il faut s’accepter tel qu’on est. J’aurais aimé avoir un QI de 240 et lire des thèses d’astrophysique pour me divertir, mais ce n’est pas le cas. J’en fais ni une maladie, ni un complexe, au contraire, c’est plutôt réjouissant de lire sur un forum des posts comme les tiens, même si je ne comprends pas toujours tout, ça ouvre des horizons.

De plus, là ou certains ingénieurs de haut vol ou certains scientifiques de premier ordre se content de leurs acquis intellectuels au service de leur carrière sans forcément être des gens passionnants en dehors du boulot, toi tu mets tes capacités intellectuelles au service d’un questionnement sur le roman ou le film noirs, et donc quelque par sur le sens de la vie et la nature humaine. C’est faire preuve d’un certain panache intellectuel et, en ce qui me concerne, ça me va très bien et je lis toujours tes posts avec beaucoup d’attention (et un aspro – nan, je déconne -).
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Message par txoa Mar 20 Avr - 23:48

"Shutter Island" est une bonne adaptation du bouquin de Lehane, je veux dire fidèle. Comme "le Dalhia noir" de De palma l'était d'Ellroy. Comme "Mystic River" d'Eastwood l'était du même Lehane. Pour autant, d'être de bonnes adaptations, fidèles aux livres et à l'image et à la reconstitution léchées en font ils de bons films, avec une vision personnelle du sujet ? Ma réponse est dans la question.
J'ai un faible pour "Mystic River" (notamment grâce aux acteurs) et à la connotation sociale du livre, donc du film. Le réalisme du sujet évitait le pompiérisme (ça se dit ça ?) dans lequel plonge et se noie Scorsese. Dans le bouquin, toute l'ambiance, inquiétante et tendue à souhait, n'était qu'affaire de suggestion, chacun se faisant une image de ce qu'il lisait. Ici, vas y dans le grand guignol ! Oh, bien fait, bien sûr, mais grand guignol quand même. Chewie dit "bourrin", je suis d'accord (mais contrairement à lui, je vois le trucage évident de la scène du bateau comme un hommage au cinoche des années 50's en technicolor).
Quant au débat sur la psychiatrie, je le trouve ici un peu vain, en tous cas sortant des limites des réalités de l'époque. Si il y a deux écoles, elles sont toutes deux très attardées (même pour l'époque déjà très marquée par Freud et la psychanalyse). Si le substitut à la lobotomie c'est le comportementalisme le plus outrancier, aïe, même si le moins pire est moins pire que le pire.
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