Le nom du monde - Denis Johnson (2000)
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Le nom du monde - Denis Johnson (2000)
Comment assurer la cohérence du récit lorsque le narrateur, un universitaire d'âge mur, qui a perdu son épouse et sa fille dans un accident de voiture, renonce à vivre pour se réfugier dans l'exil du chagrin et dans une indifférence apathique que certains prennent à tort pour du détachement "cool" ? Une oeuvre d'art, un étang gelé où évoluent des patineurs, une performance artistique où une jeune étudiante se rase le sexe en public deviennent alors les motifs fragmentaires d'une trame à jamais déchirée. Mais si le monde a perdu jusqu'à son nom (et la fiction son intégrité, son motif dans le tapis jamesien), le moment est peut-être venu pour Mike Reed (et pour le lecteur) de se laisser aller à l'improvisation de la vie en pariant que le monde retrouvera alors sinon son nom, du moins l'excitation suffocante ressentie devant ce sexe féminin dévoilé publiquement, cette "origine du monde" qui permet au narrateur de faire son deuil du deuil.
Tôt ou tard, il vous faudra lire Denis Johnson. Je ne vous conseille pas de commencer par celui-là, tres éloigné du polar et du roman noir, plutôt un roman existentialiste, mou, ennuyeux, dépressif, mais écrit par Denis Johnson, cet écrivain qui, en quelques mots, parvient à mettre son lecteur dans le bain, dans la baignoire, voila, l'auteur enferme son lecteur dans la salle de bain et part avec la clé. Et quand le lecteur se retrouve devant le miroir au dessus du lavabo, Denis Johnson lui glisse à l'oreille " Hé man, quand est-ce que tu vas réellement te regarder?"
On est donc loin des personnages des deux autres livres de D. Johnson, (du moins les deux que j'ai lu, "Jesus'son" et "des anges"), personnages multiples dont je serais tenté de proposer deux exemples synthétiques: une infirmière qui pue l'alcool/ Un type aux cheveux long avec des favoris, portant des lunettes de soleil reflechissante et au sourire édenté, ou alors, simplement un type qui parle tout seul. On a affaire dans "le nom du monde" à un professeur d'université, quinquagénaire, bien installé dans un milieu tres protégé (l'université) et ne fréquentant que ses pairs. Il va s'agir d'un gros passage à vide, quelques mois de son existence où il va se vider de toute energie et devenir completement spectateur de lui même. La vision d'une performance artistique, une etudiante qui va se raser le pubis en public va le bouleverser. Il va s'éparpiller et nous narrer sa propre dissolution.
Rien d'autre.
Et c'est terrible.
ET c'est là que je me dis que la littérature est un truc important, qu'il y a une verité littéraire que d'autres disciplines ne parviennent pas à aborder. On pourrait envisager cette histoire sous l'angle de la psychologie, de la sociologie, de divers autres points de vue, des sciences occultes, nous ne parviendrons pas à un dixième de la vérité de Denis Johnson, l'écrivain qui parvient à faire une oeuvre d'art à partir de rien, une histoire banale, un personnage sans relief. apparemment tres formaté, un type que l'on pourrait qualifier de cool a défaut d'insignifiant. Faut vraiment être un écrivain majeur pour réussir cela.
Bon, j'enchaine sur un autre Denis Johnson, ça s'appelle "déja mort" et il est dit en 4° de couverture que ça ressemble "a du Paulo Coehlo récupéré par David Lynch ou un western coécrit par Bret Easton Ellis et Brian Wilson des beach boys"
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