Une affaire de viol - Chester Himes
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Une affaire de viol - Chester Himes
"Une affaire de viol" parue chez André Dimanche, dans la collection Rive noire, surprend par sa simplicité : c'est à première vue un mince dossier comme le compte rendu d'un procès.
Mais l'enquête d'un écrivain noir relance l'intrigue et projette sur "l'affaire" un tout autre éclairage.
Virtuosité du narrateur, pertinence et acuité des analyses humaines, ce petit récit concentre de belles qualités d'écrivain
Re: Une affaire de viol - Chester Himes
Manchette trouvait l'exercice plat et je suis plutôt d'accord avec lui. C'est vrai que contrairement au cycle de Harlem, Chester a raconté ici son histoire avec une économie de moyens exemplaire pour lui, mais toutes les qualités de l'écrivain que tu rappelles dans ta dernière phrase, c'est vraiment dans ses polars harlémites qu'elles sont les plus manifestes, à mon goût tout du moins.
Varg- Messages : 1263
Date d'inscription : 15/06/2008
Localisation : Paris
Re: Une affaire de viol - Chester Himes
Je ne conteste ni ton avis, ni l’autorité de Manchette, dont j’aurais attendu qu’il apprécie la concision dans l’exposé de l’affaire vu comme la relation d’un procès.
La deuxième partie s’offre deux objectifs : analyser le regard des Blancs sur un crime (la mort d’une femme blanche) auquel sont mêlés des Noirs. Là, même concision et analyse pénétrante, à mon sens, qui se garde bien de tomber dans les idées reçues.
D’autre part, Himes fait intervenir une résolution de l’énigme à deux niveaux, puisqu’il souligne les insuffisances de son enquêteur à cause des facteurs raciaux : il corrige ainsi le compte rendu ET les données du regard « racial » exposées dans sa première analyse.
J’apprécie des passages comme celui-ci, bien intégrés à l’ intrigue où ils expliquent les mobiles supposés et les mobiles réels.
Enfin, même si j’apprécie beaucoup les romans de Chester Himes sur Harlem, je pense qu’il n’était pas dupe du rôle d’Oncle Tom modernisé qu’il endossait dans ces écrits.
La deuxième partie s’offre deux objectifs : analyser le regard des Blancs sur un crime (la mort d’une femme blanche) auquel sont mêlés des Noirs. Là, même concision et analyse pénétrante, à mon sens, qui se garde bien de tomber dans les idées reçues.
D’autre part, Himes fait intervenir une résolution de l’énigme à deux niveaux, puisqu’il souligne les insuffisances de son enquêteur à cause des facteurs raciaux : il corrige ainsi le compte rendu ET les données du regard « racial » exposées dans sa première analyse.
J’apprécie des passages comme celui-ci, bien intégrés à l’ intrigue où ils expliquent les mobiles supposés et les mobiles réels.
En quelque sorte, Shelly Russell était une sorte d’oncle Tom amateur.
Il y a des oncles Tom professionnels, qui tirent un grand profit de leur oncle-tomisme.
Il y a des oncles Tom nés, qui ne connaissent pas d’autre manière de vivre avec les Blancs qu’en pratiquant l’oncle-tomisme.
Il y a aussi des Noirs qui, bien qu’ils en aient horreur, sont devenus des oncles Tom afin de gagner leur vie.
Shelly Russel, lui, appartenait à aucune de ces catégories : il pratiquait l’oncle tomisme sans y être obligé, dans le seul but d’être aimé et apprécié des Blancs intelligents et cultivés, appartenant de préférence à la grande bourgeoisie.
Enfin, même si j’apprécie beaucoup les romans de Chester Himes sur Harlem, je pense qu’il n’était pas dupe du rôle d’Oncle Tom modernisé qu’il endossait dans ces écrits.
Re: Une affaire de viol - Chester Himes
rotko a écrit:Enfin, même si j’apprécie beaucoup les romans de Chester Himes sur Harlem, je pense qu’il n’était pas dupe du rôle d’Oncle Tom modernisé qu’il endossait dans ces écrits.
Voilà une phrase dont j'ai du mal à saisir le sens. L'auteur Chester Himes était un Oncle Tom modernisé dans son cycle de Harlem ?
Varg- Messages : 1263
Date d'inscription : 15/06/2008
Localisation : Paris
Re: Une affaire de viol - Chester Himes
J'ai lu qu'on lui jette la première pierre et regrets sans repentir des récits autobiographiques, bien dénués du pittoresque des romans harlemiens, et peu lus.
je veux dire que Chester Himes a inventé des récits pleins de verve parce qu'il savait ce qu'attendaient son éditeur et ses lecteurs. Il donne donc une image attendue, et somme toute assez cocasse, du monde noir des bas quartiers. Leur débrouillardise sur laquelle il insiste, née de leur détresse qu'il esquive, amuse le public.
La réalité était moins réjouissante, comme l'écrit par exemple Baldwin. Mais plusieurs livres de Baldwin ne sont pas réédités : ils ne sont pas divertissants.
La citation sur les oncles Tom ci-dessus n'est pas, à mes yeux, gratuite sous la plume de Chester Himes.
je veux dire que Chester Himes a inventé des récits pleins de verve parce qu'il savait ce qu'attendaient son éditeur et ses lecteurs. Il donne donc une image attendue, et somme toute assez cocasse, du monde noir des bas quartiers. Leur débrouillardise sur laquelle il insiste, née de leur détresse qu'il esquive, amuse le public.
La réalité était moins réjouissante, comme l'écrit par exemple Baldwin. Mais plusieurs livres de Baldwin ne sont pas réédités : ils ne sont pas divertissants.
La citation sur les oncles Tom ci-dessus n'est pas, à mes yeux, gratuite sous la plume de Chester Himes.
Re: Une affaire de viol - Chester Himes
Le problème est que Chester Himes a détesté n'être reconnu que pour son œuvre policière, genre mineur à ses yeux, et pas pour ses autres écrits. Ce qu'il dit dans son autobiographie doit donc être pris avec cette réserve, un peu similaire à celle que l'on éprouve face aux propose de Philip K. Dick qui rêvait de mainstream et que l'on cantonna à la SF.
Aucun lecteur sérieux de Dick, comme aucun lecteur sérieux de Himes ne s'amuserait à présent à restreindre leur œuvre à chacun de ces domaines étroits et même si entre temps, ces derniers se sont vus réévalués dans leur importance littéraire respective. Il n'y rien dans Une affaire de viol que l'on ne trouve - derrière le pittoresque et la violence harlémites - dans le cycle policier. Il y a même, dans Le retour en Afrique et surtout dans L'aveugle au pistolet l'achèvement d'un questionnement politique qui va encore plus loin que la dénonciation du racisme et de la politique d'apartheid/ségrégation des blancs amerlocains, véritable colonne vertébrale du Cycle de Harlem...
Grand Dieu ! comment n'y voir que du pittoresque ?
Aucun lecteur sérieux de Dick, comme aucun lecteur sérieux de Himes ne s'amuserait à présent à restreindre leur œuvre à chacun de ces domaines étroits et même si entre temps, ces derniers se sont vus réévalués dans leur importance littéraire respective. Il n'y rien dans Une affaire de viol que l'on ne trouve - derrière le pittoresque et la violence harlémites - dans le cycle policier. Il y a même, dans Le retour en Afrique et surtout dans L'aveugle au pistolet l'achèvement d'un questionnement politique qui va encore plus loin que la dénonciation du racisme et de la politique d'apartheid/ségrégation des blancs amerlocains, véritable colonne vertébrale du Cycle de Harlem...
Grand Dieu ! comment n'y voir que du pittoresque ?
Varg- Messages : 1263
Date d'inscription : 15/06/2008
Localisation : Paris
Re: Une affaire de viol - Chester Himes
Par curiosité, j'ai regardé également de quand datait mes éditions de Baldwin, puisque apparemment, il y aurait une discrimination éditoriale (mon rôle n'étant pas de défendre la politique de telle ou telle maison d'édition).
Harlem Quartet , réédité chez Stock en 2003
La conversion, chez Rivages en 1999
La chambre de Giovanni, chez Rivages en 1997
Face à l'homme blanc, chez Gallimard en 1996
La prochaine fois le feu, chez Gallimard en 1988 et 1996
Un autre pays, chez Gallimard en 1996
L'homme qui meurt, chez Gallimard en 1988
Le coin des Amen, chez Gallimard en 1983
Si Beale Street pouvait parler chez Stock en 1982
Les notables exceptions étant les essais comme Chassés de la lumière chez Stock en 1972 et le Nous les nègres chez Maspero en 1965 mais, comme beaucoup d'ouvrages politiques de cette époque chez cet éditeur, les rééditions sont liées aussi à un état de fraicheur par rapport à l'état du monde. Après tout, le Nègre blanc d'Amérique de Vallières en 1968 - pour en citer que celui là - n'a pas été réédité depuis perpète....
Sincèrement, il y a des auteurs bien plus malheureux que Baldwin question réédition...
Harlem Quartet , réédité chez Stock en 2003
La conversion, chez Rivages en 1999
La chambre de Giovanni, chez Rivages en 1997
Face à l'homme blanc, chez Gallimard en 1996
La prochaine fois le feu, chez Gallimard en 1988 et 1996
Un autre pays, chez Gallimard en 1996
L'homme qui meurt, chez Gallimard en 1988
Le coin des Amen, chez Gallimard en 1983
Si Beale Street pouvait parler chez Stock en 1982
Les notables exceptions étant les essais comme Chassés de la lumière chez Stock en 1972 et le Nous les nègres chez Maspero en 1965 mais, comme beaucoup d'ouvrages politiques de cette époque chez cet éditeur, les rééditions sont liées aussi à un état de fraicheur par rapport à l'état du monde. Après tout, le Nègre blanc d'Amérique de Vallières en 1968 - pour en citer que celui là - n'a pas été réédité depuis perpète....
Sincèrement, il y a des auteurs bien plus malheureux que Baldwin question réédition...
Varg- Messages : 1263
Date d'inscription : 15/06/2008
Localisation : Paris
Re: Une affaire de viol - Chester Himes
.Face à l'homme blanc n'est plus disponible ;
je citais Baldwin en passant puisque Mabanckou avec sa lettre à Jimmy le remet en première ligne à propos du "communautarisme".
Pour l'édition française des auteurs, et ceci est un autre débat, la littérature du globe est mal représentée.
je citais Baldwin en passant puisque Mabanckou avec sa lettre à Jimmy le remet en première ligne à propos du "communautarisme".
Pour l'édition française des auteurs, et ceci est un autre débat, la littérature du globe est mal représentée.
Re: Une affaire de viol - Chester Himes
rotko a écrit:Face à l'homme blanc n'est plus disponible ;
Apparemment, tu as réussi à le trouver quand même... Déduire de l'absence d'un titre (réédité quand même en collection abordable en 1996) que Baldwin est délaissé alors que Himes, distrayant, serait privilégié est tout à fait malhonnête, intellectuellement...
rotko a écrit:je citais Baldwin en passant puisque Mabanckou avec sa lettre à Jimmy le remet en première ligne à propos du "communautariste".
Le "en passant" est aussi une malhonnêteté... Soit c'est un argument dans le débat - ce que cela me semblait de prime abord - , soit c'est effectivement sans importance mais alors pourquoi le mentionner ? En plus, citer Baldwin en passant est plutôt injurieux car c'est un auteur majeur de cette seconde moitié du siècle précédent...
Là encore, je ne défends pas la politique des éditeurs, mais je crois qu'un effort certain est fait, même s'il est bassement commercial, ne serait-ce que parce que la création française est sans doute devenu médiocre.rotko a écrit:Pour l'édition française des auteurs, et ceci est un autre débat, la littérature du globe est mal représentée.
Beaucoup de choses sont traduites, parfois mal, mais permettant d'accéder à une littérature internationale qui pourrait trouver un public en France (je pense notamment au domaine asiatique ou hispanophone, même si des œuvres majeures ne seront jamais disponibles chez nous).
Varg- Messages : 1263
Date d'inscription : 15/06/2008
Localisation : Paris
Re: Une affaire de viol - Chester Himes
J'ecoute tes arguments sans te faire un procès d'intention.
Parler de malhonnêteté est grave, et dans mon cas, j'estime que ce n'est pas fondé.
J'ai trouvé le livre de Himes en bibliothèque, et je dis à quelle occasion j'ai eu envie de lire baldwin.
http://grain-de-sel.cultureforum.net/litterature-americaine-f2/james-baldwin-t4702.htm
C'est donc parler franchement.
Parler de malhonnêteté est grave, et dans mon cas, j'estime que ce n'est pas fondé.
J'ai trouvé le livre de Himes en bibliothèque, et je dis à quelle occasion j'ai eu envie de lire baldwin.
http://grain-de-sel.cultureforum.net/litterature-americaine-f2/james-baldwin-t4702.htm
C'est donc parler franchement.
Re: Une affaire de viol - Chester Himes
je poursuis d'ailleurs ma lecture de James Baldwin, avec la prochaine fois, le feu
et je découvre que
et je découvre que
dégoûté par l' injustice raciale, James baldwin va s'installer à Paris où il vit dans la pauvreté. Il y retrouve d’autres exilés noirs américains comme Chester Himes et Richard wright, son mentor en littérature.
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