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Microfictions - Régis Jauffret (2007)

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Microfictions - Régis Jauffret (2007) Empty Microfictions - Régis Jauffret (2007)

Message par limbes Ven 11 Juin - 0:55

Microfictions - Régis Jauffret (2007) 51hQycD95bL._SL500_AA300_

L’autre jour, j’ai emprunté Microfictions à l’Alcazar. Je suis tombée dessus par hasard, et hop. Après il a traîné pas mal de temps, je le regardais de temps en temps, bon. Et je l’ai ouvert un peu au pif. Reposé. Réouvert un peu au pif. Etc. J’en ai lu beaucoup, pas toutes, et pas dans l’ordre.

Ce sont donc des petites histoires, de une à deux pages maximum, et il y en beaucoup (500). A chaque fois, un narrateur différent, homme ou femme. On peut à mon avis en parler sur un noir bazar, d’une part parce que c’est (ça se veut) très noir, et d’autre part parce que ça soulève des questions intéressantes.

La forme m’intéressait beaucoup, a priori : pas vraiment des nouvelles, des concentrés de voix uniques et singulières, contemporaines. J’aime bien l’idée. J’aime bien les rares incises dialoguées à l’intérieur des microfictions. Mais pour le reste…

J’ai eu une impression étrange, en lisant. Un peu comme dans le dernier film de Desplechin, quand Catherine Deneuve et Mathieu Almaric (respectivement mère et fils) se disent l’un à l’autre qu’ils se sont toujours détestés. Cette impression que personne, dans la vie ne dit ou ne peut dire des choses pareilles (même et surtout s'ils les pensent). Et dans Microfictions, bien que Régis Jauffret entende se mettre dans la tête de personnages (ce sont eux qui parlent et nous livre des précipités de vie), l’espèce d’outrance et de lucidité irréelle dont ils font preuve m’ont donné plutôt à entendre sa voix à lui, l’écrivain ironique portant un regard sur ses contemporains. Je n’ai pas entendu plusieurs voix, mais la sienne, seulement et uniquement, comme s’il avait enfermé l’humanité dans un bocal et qu’il l’observait et la commentait. Et même plus que ça, comme s’il la recréait (l’humanité) à sa sauce pour mieux pouvoir s’en extraire et la crucifier.

Alors du coup, et bien qu’il y ait des choses assez bien vues, il ne m’a pas tendu un miroir : ni un miroir de moi-même, ni un miroir de la société.

J’ai lu des critiques ou des commentaires dans lesquelles on disait que si on n’aime pas ce livre, c’est parce qu’on porte un regard moral sur la littérature, mais je crois au contraire que c’est Jauffret le moraliste. Un moraliste cynique et masqué (si tant est que cette « catégorie » existe), mais un moraliste quand même.

J’ai repensé à cette idée de l’auteur qui déteste ces personnages. Non seulement il les déteste, mais il s’en moque de façon parfois tellement extrême que le contenu même, les travers et les horreurs de notre monde se désintègrent en une sorte de farce qui pour ma part a interdit l’entrée dans la tête de ces gens, la moindre identification voulant dire s’identifier à lui, à l’auteur, à ce qu’il pense. Ainsi il ne ramène pas au réel, mais celui-ci ne cesse de se dérober.

L’impact émotionnel de ce livre, pour moi, est proche de zéro.
Alors je sais bien que pour la critique en général, films et livres compris, l’émotion, ou pire, le pathos, n’a pas bonne presse ; son absence serait un critère de qualité, en tant que telle. Outre le fait que ça devient une phrase passe-partout, qui veut tout et rien dire (ou plutôt, qui correspond à tout et n’importe quoi), je ne comprends pas vraiment pourquoi la distance, le quant-à-soi, l’ironie surplombante serait gage de sérieux littéraire ou quelque chose comme ça ?
Si pathos veut dire titiller les sentiments, les désirs, les passions, bref, ce qui constitue l’être humain, je ne vois pas en quoi :
1. Ce serait mal
2. Cela signifierait nécessairement daube artistique.

Je trouve que ce bouquin est une sorte d’arnaque, en réalité, mais c’est peut-être le but initial, puisqu’il s’appelle Microfictions. Le but était peut-être de montrer, d’une certaine façon, et d’une façon visible puisque le roman classique est (formellement, bien qu’il forme un tout) désintégré, à quel point tout auteur ne cesse d’arnaquer, même et peut-être surtout quand il entend nous ramener au réel. De ce point de vue là, c’est assez réussi.
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Microfictions - Régis Jauffret (2007) Empty Re: Microfictions - Régis Jauffret (2007)

Message par Ernest Kurtz Ven 11 Juin - 10:25

J'avais lu il y a quelques années "Fragments de la vie des gens" du même Jauffret, livre construit sur un principe identique à ces Microfictions. Le souvenir que j'en ai recoupe pas mal ce que dis limbes au début de son post, notamment sur le fait d'entendre plus Jauffret que ses personnages et sur le côté "entomologiste". Mais pas ce qui concerne la moquerie envers les gens; j'ai plutôt un souvenir de quelque chose comme de la "compassion froide désespérée". Bref, malgré effectivement la distance qu'il y avait avec les personnages -et malgré une lecture assez pénible pour moi à l'époque-, c'est drôle, il m'en reste aujourd'hui comme une impression "d'empathie qui avance masquée". En tout cas, quelque chose qui fait que je me dis qu'un jour, il faudrait que j'essaie de lire à nouveau du Jauffret (mais sans doute pas ces microfictions.)
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Microfictions - Régis Jauffret (2007) Empty Re: Microfictions - Régis Jauffret (2007)

Message par limbes Sam 12 Juin - 21:45

Ton expression "compassion froide désespérée" m'a fait cogiter. Il n'est pas impossible que ce soit ça, en réalité, de la compassion froide désespérée
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Microfictions - Régis Jauffret (2007) Empty Re: Microfictions - Régis Jauffret (2007)

Message par limbes Ven 18 Juin - 23:24

limbes a écrit:Un peu comme dans le dernier film de Desplechin, quand Catherine Deneuve et Mathieu Almaric (respectivement mère et fils) se disent l’un à l’autre qu’ils se sont toujours détestés. Cette impression que personne, dans la vie ne dit ou ne peut dire des choses pareilles (même et surtout s'ils les pensent). .

C'est un peu con de s'auto-citer, mais c'est juste pour dire que c'est sans doute un peu réducteur (voire complètement stupide), ce que j'ai dit là. L'autre soir j'ai vu Saraband de Bergman, et il y a une scène absolument atroce mais parfaitement vraisemblable (enfin, on y croit), entre un père et son fils. Une scène d'humiliation et de haine.
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