Alain Delorme

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Avant de recopier un texte qui présente les intentions de l'artiste, un petit test : que remarquez-vous dans ces portraits de Little Dolls (titre de la série) ?









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Sans aller gougueuler (je ne connais pas ces photographies), je dirais que ce ne sont pas des visages d'enfant, mais des visages d'adultes retouchés.

Les gâteaux sont des gâteaux d'anniversaire sans bougies: on fête un non-anniversaire, un temps qui ne passe pas dans un univers à la Truman Show. C'est mal de vieillir, c'est mal d'être vieux, il ne faut pas se montrer.
La vérité ne sort plus de la bouche de l'enfant, la vérité, c'est l'enfant, on nous le dit sans cesse. L'adulte est faux, faux son savoir, son expérience, fausse sa culture. Plus le monde est vieux, plus il est faux, c'est l'enfant qui nous le rabache dans chaque publicité.
L'adulte entre dans la photo par ses mains. Il tient l'enfant, il s'agrippe à lui, peut-être cherche-t-il encore à le contraindre, mais il n'y arrivera pas: l' être de la photo a atteint l'immortalité. Qu'est-ce qu'il a vendu au diable? Le pacte est il à l'intérieur du gâteau ?

Je plussoie avec Replay et j'ajoute qu'elles me semblent toutes effroyablement semblables, clonesques... Un stéréotype d'enfant occidental aux yeux trop écartés, à la bouche trop parfaite, au sourire commercial.

En tant que père et grand-père je détesterai ces enfants... Les mains d'adultes sont elles là pour précipiter la tête de l'"enfant" dans le gâteau, une fois prise la photographie ?

Varg a écrit:Les mains d'adultes sont elles là pour précipiter la tête de l'"enfant" dans le gâteau, une fois prise la photographie ?

mordelol !

J'ai aussi résisté à la tentation de google.
Juste un idée comme ça, je me demandais presque si ce n'étaient pas de vraies poupées, dans le genre ultra-réalistes. Et que cette confusion soit voulue, bien sûr.

Un sentiment de malaise...des poupées ? Des adultes déguisé(e)s ? Des montages ?

En tous cas, c'est clair, un seul nez...

Et les mains, brrrrrrrr, j'aime mieux la version tarte à la crème que Varg nous promet !

Parce que sinon, cela fait un peu "et tu vas sourire à la photo, hein, HEIN ?"

Irène A. a écrit:
En tous cas, c'est clair, un seul nez...

Je ne crois pas Irène. Les nez se ressemblent mais sont différents d'une photo l'autre. J'avais la même sensation au départ avec les yeux, puis les bouches mais je pense que le montage ou le photoshopage a été réalisé avec des éléments proches mais différents quand même.

Même sensation ce soir que ce matin. Qu'elles sont laides ces pauvres petites...

Comme quoi la forme reflète bien le fond. Si on fait la synthèse de vos regards, on est au coeur des intentions de l'auteur de la série Little Dolls. Il y a quelques infos sur ce travail ici :

http://www.pixelcreation.fr/graphismeart-design/photographie/alain-delorme/

Je vous copie le début du texte :

A 28 ans, Alain Delorme est un photographe plein d'idées, fasciné par le corps mutant et le travail d'artistes tels qu'Aziz + Cucher. Passé par les Gobelins et une maîtrise de photographie à l'université Paris 8, il a séduit le 5 avril dernier la petite dizaine de membres du jury du Prix Arcimboldo (dont votre humble servante) avec Little Dolls, une série plutôt inquiétante qui met en scène le visage retouché de 21 petites filles qu'on aurait voulu faire ressembler à la poupée Barbie. Une série dénonciatrice qui n'est pas sans rappeler le petit film Beauty Kit imaginé par le collectif Pleix.

Fast-food
"Tout a commencé il y a deux ans quand on m'a appelé pour faire une série de photos pour une célèbre chaîne de fast-food", se souvient Alain Delorme. "Je devais réaliser les clichés de promotion de leur service d'anniversaire. Mon modèle était une petite fille blonde, dans un décor très américain face à un beau gâteau comme ils savent les faire. Et à la fin de la prise de vue, l'équipe a offert une poupée Barbie au petit modèle. J'ai alors pensé à mélanger les deux, la petite fille et la poupée."

Pas d'exigences esthétiques
Alain Delorme a donc "casté" autant de petites filles entre 3 et 6 ans qu'il pouvait trouver, en faisant appel à ses relations, à ses collègues de travail de l'AFP, où il officie régulièrement comme retoucheur d'images. "Je n'avais pas d'exigences esthétique et la plupart du temps, je ne connaissais pas les enfants, je les découvrais au moment de la prise de vue", précise-t-il.

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Je suis allée voir les autres photos de la série. brrrr.....

Je viens de faire un tour à l'instant... Blood'n Guts, il y en avait des encore plus moches...

Toute la série a été éditée, placée dans un petit coffret plastique rose bonbon et accompagnée d'un texte. En l'ouvrant et en examinant les photos une par une, je me suis interrogé un bon moment avant de saisir ce qui clochait exactement. Je ressentais bien cette étrangeté due à la retouche, mais je ne la localisais pas. Je savais que ce n'était pas naturel, mais au premier abord ce n'était pas inquiétant - comme si cette mascarade et ces mises en scènes très publicitaires tenaient d'une normalité - inacceptable, mais normale.

Pour dé-traumatiser Varg, un bouquet de vraies petites filles...

Ça me rappelle un reportage terrifiant vu il y a longtemps sur les concours de beauté pour enfants, aux Etats-Unis. Les pauvres gamines dressées parfois dès trois ou quatre ans au culte du corps modifié et de l’Apparence, par des mères obsessionnelles et maniaques prêtes à débourser tous les dollars qu’elles n’ont pas pour exhiber la chair de leur chair.
Ce qui fait peur avec les images d’ A. Delorme, c’est qu’elles ne diffèrent (presque) pas des vrais visages de ces petites filles.
Ou alors c'est comme si elles arrivaient après le dressage, une fois que toute lueur de vie et de rebellion ont définitivement disparu.



Si tu répètes ton show, tu auras un câlin.
Si tu es belle, tu auras un câlin.
Sinon… (que feront les mains maternelles, qui pourraient être si douces?)

Replay, merci, elles sont si mimiiiiiiiiiiiiiiis...

Le nez a été affiné, IrèneA. Quand on le compare aux nez des vraies fillettes, ça fait bizarre. Qu'est-ce que les enfants ont le nez épaté !

Limbes: on a les mêmes en France.

Stalker: j'aime bien ce genre de photos étranges qui donnent à réfléchir.

Plus haut, on parle d'engagement dans le cadre du polar. Je pense qu'un travail plastique comme celui de Delorme, qui témoigne et dénonce à travers une création pertinente qui est largement diffusée et vue, est un très bon exemple d'engagement.
Je sais bien que beaucoup de personnes considèrent que l'art contemporain "ce n'est pas de l'art" (à cause de la forme, justement - puisque la France, globalement, au niveau artistique, en est encore plus ou moins à Van Gogh, Picasso ou Dali - il n'y a qu'à examiner les programmes artistiques enseignés et écouter les gens), mais l'art reflète depuis toujours son époque, ou plutôt une certaine part de réalité, en terme d'évolution des Histoires (de l'art, de la littérature, du théâtre, du cinéma...), que beaucoup de gens refusent, n'admettent pas, parce que leurs goûts priment. Ce qui n'empêche pas l'Histoire d'avancer dans ces domaines, on le voit bien. Encore heureux. Et ces gens qui "n'admettent pas" parce que ça ne leur plaît pas, sont largués.

Tout ça pour dire que des travaux d'artistes comme celui de Delorme, qui constatent et interrogent, il y en a beaucoup. C'est à dire pas des créations qu'on perçoit uniquement comme déco potentielle, découlant de gouzécouleurs individuels, mais des créations qui parviennent à poser le doute sur des points sensibles.

stalker a écrit:
mais des créations qui parviennent à poser le doute sur des points sensibles.

Oui, visiblement, il arrive parfaitement à nous les rendre dérangeantes, ces petites filles, et même inquiétantes, ce travail est vraiment intéressant (les mains remplissent parfaitement leur office : que font-elles aux enfants ?).

Merci, Stalker.

Replay a écrit:
Limbes: on a les mêmes en France.

Oui, oui, Replay. Les américain(e)s n'ont pas le monopole de ce genre de choses. Les mains disposent ordonnent et arrangent partout les petites filles.
(C'était juste une précision géographique, puisque le reportage avait lieu là-bas).

Je les trouve menaçants ces mains et ces bras qui entrent dans le champ, comme si ces gamines ne pouvaient pas figurer sans eux. Dans un autre contexte, ils gâcheraient une photo et apparaîtraient comme une maladresse du photographe, comme on le fait parfois avec une poubelle municipale à l'extrême gauche d'un paysage splendide qu'on veut saisir.
J'aurais été étonné que ce travail ne suscite pas de réactions dans le Noir Bazar.

Après nouvelle visite (buurrrp...) tous les bras ne sont pas adultes, par exemple Elodie ou Evincia (où les bras sont enfantins et le ressenti celui de la pseudo-convivialité du moment) donc pas forcément menaçants.

Stalker, une question si tu permets : comment avais-tu choisi les images initiales de ton sujet, sur quels critères ?

C'est tout bête, je les ai choisies parce qu'elles avaient exactement les mêmes dimensions sur Internet. Question d'équilibre. Je ne voulais pas que certaines soient plus petites ou plus grandes que d'autres. Pourquoi ?

Sorry, je me suis mal exprimé. En suivant le lien que tu nous as proposé, il y avait une douzaine de photos. Le choix des quatre pour illustrer ton thread était-il aléatoire ou déjà intentionné/intentionnel ?

Non, je les ai sélectionnées sans critères particuliers. Je trouve qu'elles ont toute une intensité propre. Je serais très embarrassé si on me demandait, par exemple, lesquelles je préfère, ou lesquelles je trouve les plus inquiétantes. Je considère vraiment cette série comme un tout, difficilement dissociable.