Fakirs - Antonin Varenne (2009)
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Fakirs - Antonin Varenne (2009)
Du côté de Guérin et Lambert, l’ambiance est ainsi campée, lourde, franchouillarde. Inscrite dans une certaine normalité en dépit des fêlures des deux principaux protagonistes. Le lieutenant Guérin, exilé du 36 Quai des Orfèvres — après une sombre histoire mal élucidée — est installé aux Suicides, la corvée redoutée de la Judiciaire, flanqué d’un stagiaire, Lambert, qui passe pour un débile patenté auprès de tous ses collègues, qui ne lui font grâce d’aucune humiliation.
De l’autre côté, un espace vaste et plutôt flou, faisant le grand écart entre la France et les États-Unis. Là, on trouve John Nichols, un Franco-Américain installé dans un tipi planté sur les bords d’une rivière du centre de la France. La maréchaussée débarque un jour dans son campement pour l’emmener à Saint-Céré où on lui apprend la mort de son ami américain, Alan Mustgrave. Elle est intervenue tandis qu’il s’écorchait en direct, sur la scène d’une boîte branchée du Paris underground, très cotée pour ses spectacles sado-maso.
La sève de ce polar noir, c’est une riche galerie de personnages et la façon dont l’auteur les met en scène tout en les auscultant à coups de détails qui donnent dans le mil. Autant l’histoire elle-même est une intrigue solide qu’on veut poursuivre, certes, impatient qu’on est de savoir comment ce nœud compliqué qui se tisse va parvenir à se défaire, et en commettant quels dégâts ; autant les pages nous confrontent à l’intimité des personnages, au plus près, un peu comme des ponctuations de chair interviendraient dans un corps politique suspect.
C’est la nature humaine qui est en jeu et que Fakirs explore, brandit, hurle. C’est un peu comme si l’auteur s’était emparé du masque social, tellement lisse et tellement civilisé, pour le soulever ; pour y tailler des brèches par où l’attaquer, et en offrir le verso par l’intermédiaire de figures déjantées, a priori loin de nous, étrangères. Sans aucun doute inadmissibles.
Du Lot à L’Ile de France, puis de l’Ile de France au Lot, le verso du masque dégorge ses figures torturées et leur histoire – leurs histoires parfois combinées, avec leur part d’ombre et toutes les séquelles qui persistent. Il va de soi que le passé poursuit les hommes et les pousse à commettre l’irréparable au présent, et ce roman prend au final les airs d’un crash humain qui se déroule au ralenti – un crash causé par les histoires qui s’y croisent, s’y heurtent ou s’ignorent.
Quant à l’écriture, c’est un trip. En premier lieu celui de l’auteur, à l’évidence. Il y a des romans, comme ça, qui disent à quel point c’était bon d’écrire, de dire, de choisir, d’organiser les mots et de les offrir ensuite, tels quels, sans concession – de les abandonner aux autres.
Antonin Varenne semble nous dire, entre les lignes : Bon, je vais vous dire comment le monde m’apparaît, mais je vous préviens, c’est le monde à ma sauce, et n’oubliez pas que c’est une fiction, et n’oubliez pas pour autant qu’on vit dans le même monde.
Une fiction, ça sert à casser des barrières que la réalité ou les documentaires, les morales ou les petites proses disciplinées, ont érigé. Plus il y a de barrières, et plus l’auteur s’éclate à les franchir. Plus il y a de limites et plus il est instructif de soulever le masque. Tant qu’à faire en l’écrivant de sorte à ce que le monde nous prenne aux tripes.
On peut bien entendu considérer que c’est divertissant.
On peut aussi se le prendre en pleine poire, à notre insu.
Le tout, en fin de compte, consiste peut-être à décider de regarder nos propres brèches et à retourner le masque. Ou pas.
De l’autre côté, un espace vaste et plutôt flou, faisant le grand écart entre la France et les États-Unis. Là, on trouve John Nichols, un Franco-Américain installé dans un tipi planté sur les bords d’une rivière du centre de la France. La maréchaussée débarque un jour dans son campement pour l’emmener à Saint-Céré où on lui apprend la mort de son ami américain, Alan Mustgrave. Elle est intervenue tandis qu’il s’écorchait en direct, sur la scène d’une boîte branchée du Paris underground, très cotée pour ses spectacles sado-maso.
La sève de ce polar noir, c’est une riche galerie de personnages et la façon dont l’auteur les met en scène tout en les auscultant à coups de détails qui donnent dans le mil. Autant l’histoire elle-même est une intrigue solide qu’on veut poursuivre, certes, impatient qu’on est de savoir comment ce nœud compliqué qui se tisse va parvenir à se défaire, et en commettant quels dégâts ; autant les pages nous confrontent à l’intimité des personnages, au plus près, un peu comme des ponctuations de chair interviendraient dans un corps politique suspect.
C’est la nature humaine qui est en jeu et que Fakirs explore, brandit, hurle. C’est un peu comme si l’auteur s’était emparé du masque social, tellement lisse et tellement civilisé, pour le soulever ; pour y tailler des brèches par où l’attaquer, et en offrir le verso par l’intermédiaire de figures déjantées, a priori loin de nous, étrangères. Sans aucun doute inadmissibles.
Du Lot à L’Ile de France, puis de l’Ile de France au Lot, le verso du masque dégorge ses figures torturées et leur histoire – leurs histoires parfois combinées, avec leur part d’ombre et toutes les séquelles qui persistent. Il va de soi que le passé poursuit les hommes et les pousse à commettre l’irréparable au présent, et ce roman prend au final les airs d’un crash humain qui se déroule au ralenti – un crash causé par les histoires qui s’y croisent, s’y heurtent ou s’ignorent.
Quant à l’écriture, c’est un trip. En premier lieu celui de l’auteur, à l’évidence. Il y a des romans, comme ça, qui disent à quel point c’était bon d’écrire, de dire, de choisir, d’organiser les mots et de les offrir ensuite, tels quels, sans concession – de les abandonner aux autres.
Antonin Varenne semble nous dire, entre les lignes : Bon, je vais vous dire comment le monde m’apparaît, mais je vous préviens, c’est le monde à ma sauce, et n’oubliez pas que c’est une fiction, et n’oubliez pas pour autant qu’on vit dans le même monde.
Une fiction, ça sert à casser des barrières que la réalité ou les documentaires, les morales ou les petites proses disciplinées, ont érigé. Plus il y a de barrières, et plus l’auteur s’éclate à les franchir. Plus il y a de limites et plus il est instructif de soulever le masque. Tant qu’à faire en l’écrivant de sorte à ce que le monde nous prenne aux tripes.
On peut bien entendu considérer que c’est divertissant.
On peut aussi se le prendre en pleine poire, à notre insu.
Le tout, en fin de compte, consiste peut-être à décider de regarder nos propres brèches et à retourner le masque. Ou pas.
stalker- Admin
- Messages : 3379
Date d'inscription : 03/06/2008
Localisation : un hameau paumé
Re: Fakirs - Antonin Varenne (2009)
Tiens ! Personne n'a jugé bon de rebondir sur cette jolie chronique Stalkerienne : no comment quoi ?
Etrange, bon je sais, certains n'achétent pas les livres, mais dans ce cas l'ouvrage est on ne peut plus lisible sur son rayon de Fnac ; suffit d'aller se poser un cul dans le coin de lecture dédié...
D'autant que ce brave Novi y est passé hier - l'ennui du temps qu'il faut bien passer entre deux RDV, terrasse-café ou Fnaquer: il faut choisir - et que malgré la couverture si peu attrayante quoique relativement uniforme dans la morosité du rayon - un Varenne ça surprend toujours un peu dans la toute aussi uniformité des Mileniums, des Vargas, des Chatam et consorts, bon vous connaissez ce qui fait le rayon charcuterie d'un libraire de nos jours.
D'ailleurs Novi aprés avoir tergiversé courtement devant cet océan d'ennui profond, s"est finalement enquis du Varenne en question histoire de faire passer ses 30 minutes d'attente ; c'est dire.
Etrange, bon je sais, certains n'achétent pas les livres, mais dans ce cas l'ouvrage est on ne peut plus lisible sur son rayon de Fnac ; suffit d'aller se poser un cul dans le coin de lecture dédié...
D'autant que ce brave Novi y est passé hier - l'ennui du temps qu'il faut bien passer entre deux RDV, terrasse-café ou Fnaquer: il faut choisir - et que malgré la couverture si peu attrayante quoique relativement uniforme dans la morosité du rayon - un Varenne ça surprend toujours un peu dans la toute aussi uniformité des Mileniums, des Vargas, des Chatam et consorts, bon vous connaissez ce qui fait le rayon charcuterie d'un libraire de nos jours.
D'ailleurs Novi aprés avoir tergiversé courtement devant cet océan d'ennui profond, s"est finalement enquis du Varenne en question histoire de faire passer ses 30 minutes d'attente ; c'est dire.
novi- Messages : 681
Date d'inscription : 19/12/2008
Re: Fakirs - Antonin Varenne (2009)
Je la trouve plutôt accrocheuse, cette couverture.
Quand aux réactions à la chronique, Novi, elles viendront quand d'autres membres auront lu le bouquin. C'est comme ça que ça fonctionne.
Quand aux réactions à la chronique, Novi, elles viendront quand d'autres membres auront lu le bouquin. C'est comme ça que ça fonctionne.
stalker- Admin
- Messages : 3379
Date d'inscription : 03/06/2008
Localisation : un hameau paumé
Re: Fakirs - Antonin Varenne (2009)
Ben, des crochets de boucher, l'on peut supposer que c'est censé accrocher la viande disponible - un peu accrocheur !
Bon l"éditeur est V Hamy si je me souviens, celui de Vargas ; l'on est donc dans une certaine cohérence de l'édition du polar actuel.
Je sais pas pas pourquoi - enfin si que trop - que cet auteur a un boulevard, que dis-je un périphérique qui s'ouvre devant lui, bien dans la ligne : suffisamment loufoque tout en étant bien littéraire, au moment même où les vieilles figures ont lassé ; certes le genre est essouflé, mais avec un zeste de ton un peu déjanté, ça fera illusion.
Il va réussir là où la plupart ne font que prétendre...
Je trouve tout ça relativement passionnant au fond ; distrayant toujours.
Bon l"éditeur est V Hamy si je me souviens, celui de Vargas ; l'on est donc dans une certaine cohérence de l'édition du polar actuel.
Je sais pas pas pourquoi - enfin si que trop - que cet auteur a un boulevard, que dis-je un périphérique qui s'ouvre devant lui, bien dans la ligne : suffisamment loufoque tout en étant bien littéraire, au moment même où les vieilles figures ont lassé ; certes le genre est essouflé, mais avec un zeste de ton un peu déjanté, ça fera illusion.
Il va réussir là où la plupart ne font que prétendre...
Je trouve tout ça relativement passionnant au fond ; distrayant toujours.
Dernière édition par novi le Ven 29 Mai - 15:10, édité 1 fois
novi- Messages : 681
Date d'inscription : 19/12/2008
Re: Fakirs - Antonin Varenne (2009)
C'est United Colors of Benetton qui a inventé le concept : faire de la pub avec des images sans aucun rapport avec le produit. Et ça a marché. Je suppose que ça peut aussi marcher pour les livres.
Moi, je trouve le concept plutôt pertinent. Cette couverture me donnerait envie de lire le bouquin.
Moi, je trouve le concept plutôt pertinent. Cette couverture me donnerait envie de lire le bouquin.
Re: Fakirs - Antonin Varenne (2009)
Manuel a écrit:C'est United Colors of Benetton qui a inventé le concept : faire de la pub avec des images sans aucun rapport avec le produit. Et ça a marché. Je suppose que ça peut aussi marcher pour les livres.
Moi, je trouve le concept plutôt pertinent. Cette couverture me donnerait envie de lire le bouquin.
Heu... pour une fois le conte a un léger rapport avec la couverture et le titre aussi d'ailleurs, ce qui est rare chez Varenne puisque par exemple son "gateau mexicain n 'a rien à voir avec le mexique - peut-étre l'éditeur à ce niveau.
novi- Messages : 681
Date d'inscription : 19/12/2008
Re: Fakirs - Antonin Varenne (2009)
Il y a un film, comme ça, qui s'intitule La vie de Jésus. Et qui n'a rien à voir avec Jésus.
A priori.
A priori.
stalker- Admin
- Messages : 3379
Date d'inscription : 03/06/2008
Localisation : un hameau paumé
Re: Fakirs - Antonin Varenne (2009)
Fakirs est un trés bon bouquin
Fakirs est un corps scarifié, d'abord lentement, presque sans douleur, juste la surprise.
Fakirs est un livre de douleur et de sang et aussi de désespoir, comme quand un événement fait que la vie ne semble plus possible et qu'on sait que tout remettre en question ne sera pas une solution... Mais on le fait quand même, parce que c'est ça ou mourir.
Et depuis Fakirs, je lis les noms des joueurs de foot sur les maillots, dans la rue. Et ça me donne envie de pleurer.
Fakirs est un corps scarifié, d'abord lentement, presque sans douleur, juste la surprise.
Fakirs est un livre de douleur et de sang et aussi de désespoir, comme quand un événement fait que la vie ne semble plus possible et qu'on sait que tout remettre en question ne sera pas une solution... Mais on le fait quand même, parce que c'est ça ou mourir.
Et depuis Fakirs, je lis les noms des joueurs de foot sur les maillots, dans la rue. Et ça me donne envie de pleurer.
suttree- Messages : 69
Date d'inscription : 23/01/2009
Re: Fakirs - Antonin Varenne (2009)
Fakirs a obtenu le prix du polar Michel Lebrun, il y a quelques semaines.
Je connais un p'tit auteur creusois drôlement content.
Je connais un p'tit auteur creusois drôlement content.
stalker- Admin
- Messages : 3379
Date d'inscription : 03/06/2008
Localisation : un hameau paumé
Re: Fakirs - Antonin Varenne (2009)
Et de deux : Antonin a reçu le grand prix Sang d'encre, à Vienne.
stalker- Admin
- Messages : 3379
Date d'inscription : 03/06/2008
Localisation : un hameau paumé
Re: Fakirs - Antonin Varenne (2009)
Rencontré le gaillard. Simple, sympa, ouvert. Il m'a raconté son parcours. Manuscrit envoyé par la poste. L'éditeur lui téléphone trois jours plus tard.
Et oui, ça arrive encore !
Et oui, ça arrive encore !
Zorba- Messages : 36
Date d'inscription : 13/06/2008
Localisation : Une morne plaine, dans le Nord
Re: Fakirs - Antonin Varenne (2009)
Fakirs est sélectionné pour le prix des lecteurs polar de Points, à l'occasion de sa sortie en poche.
Son prochain roman est programmé pour début 2011, toujours chez Viviane Hamy.
Dernière édition par stalker le Ven 12 Nov - 23:44, édité 1 fois
stalker- Admin
- Messages : 3379
Date d'inscription : 03/06/2008
Localisation : un hameau paumé
Chhhhhh!
Ouoh, y'a des fuites quelque part... C'est pas officiel encore, la remise du prix aura lieu le 3 décembre...
polar100- Messages : 2
Date d'inscription : 12/11/2010
Re: Fakirs - Antonin Varenne (2009)
Ah, mais je n'ai pas inventé la petite pastille sur le livre ! Cela dit, il y a eu quelques fuites quand même...
stalker- Admin
- Messages : 3379
Date d'inscription : 03/06/2008
Localisation : un hameau paumé
Dans la vie, il y a ceux qui fument des cigares...
Formidable ce logiciel qui attribue de si belle façon des visages aux contributeurs anonymes!
L'autocollant, en petit certes, précise: "sélection"... Je me demande si l'éditeur n'a pas choisi intentionnellement une police aussi petite. Ceci dit, il y a 8 bouquins dans la sélection, qui devraient tous avoir l'autocollant. Il y a peut-être eu des oublis.
La sélection est à retrouver sur www.meilleurpolar.com
En ces journées d'hiver pleines de noir, je vous salue bien amicalement.
L'autocollant, en petit certes, précise: "sélection"... Je me demande si l'éditeur n'a pas choisi intentionnellement une police aussi petite. Ceci dit, il y a 8 bouquins dans la sélection, qui devraient tous avoir l'autocollant. Il y a peut-être eu des oublis.
La sélection est à retrouver sur www.meilleurpolar.com
En ces journées d'hiver pleines de noir, je vous salue bien amicalement.
polar100- Messages : 2
Date d'inscription : 12/11/2010
Re: Fakirs - Antonin Varenne (2009)
Par rapport au prix, on a dû se dire "jamais deux sans trois", j'imagine...
Je vais rectifier (grâce au logiciel magique).
Je vais rectifier (grâce au logiciel magique).
stalker- Admin
- Messages : 3379
Date d'inscription : 03/06/2008
Localisation : un hameau paumé
Re: Fakirs - Antonin Varenne (2009)
Fakirs a bien remporté le prix en question (cette fois-ci) : www.meilleurpolar.com
Antonin, tu vas faire péter le champagne.
Antonin, tu vas faire péter le champagne.
stalker- Admin
- Messages : 3379
Date d'inscription : 03/06/2008
Localisation : un hameau paumé
Re: Fakirs - Antonin Varenne (2009)
La Creuse à l'honneur... M'énervent les creusois, ils ont un annuaire, pages jaunes comprises, de l'épaisseur de la sincérité de Jean François Copé mais z'ont plein de talent.
txoa- Messages : 1108
Date d'inscription : 11/06/2008
Localisation : To lose ou presque
fredgev- Messages : 235
Date d'inscription : 26/07/2008
Age : 48
Localisation : lille
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