Vers le démon - Christian De Metter

C'est Jack qui ouvre l'album, et c'est Jack qui le referme. Toute la noirceur de ce récit provient de la tête de ce personnage ; de l'étrangeté de son comportement, de ses silences, de ses regards et de ses rares paroles. De son passé, aussi. Jack a des comptes à régler et il prend la route pour ça.

Très vite, et de façon pas banale, une inconnue se joint à lui. Elle s'appelle Sarah. Son passé restera sur le bord de la route, ensanglanté, et on n'en saura rien ou pas grand-chose. Le récit revient à Jack et le mystère se dilue peu à peu, tandis que le décor s'assombrit et que la fille traque les failles de son bizarre compagnon de route.
Le road-movie glisse dans l'acrylique tantôt opaque, tantôt vif que De Metter applique au gré de l'humeur de ses personnages et de la tournure des événements. La route 66 dans tous ses états, du Missouri à l'Oklahoma et du Texas au Nouveau Mexique, au fil des pages d'un roman d'Hubert Selby Jr dont ce récit serait une mise en abyme, à moins que.

A observer les traits de Sarah, d'une image à l'autre au cours d'une même séquence, on découvre la fille sous une multitude d'angles ; une multitude de Sarah révélées par les ombres, la lumière, la couleur et les situations. Quel âge a-t-elle la gamine ? la vieille femme ? séduisante ? hideuse ?
Il n'en va pas de même pour Jack, monolithique, impénétrable, jusqu'à la dernière page, lorsque la mémoire déborde et dégouline sur les visages hachés dans une nuit moite arrosée au gyrophare bleu.

Probablement pas le meilleur album de Christian De Metter, car il aurait bien mérité 20 pages supplémentaires afin que certaines séquences s'étirent et respirent mieux. Le rythme s'en trouve pressé, un peu trop uniforme dans l'ensemble, et urgent vers la fin.



Editions Casterman, 2006

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