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Je te mangerais - Sophie Laloy (2009)

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Je te mangerais - Sophie Laloy (2009) Empty Je te mangerais - Sophie Laloy (2009)

Message par stalker Dim 10 Jan - 3:50

Marie quitte sa famille pour aller vivre à Lyon et y étudier le piano au conservatoire. Pour des raisons économiques, elle partage l'appartement d'Emma, une amie d'enfance, qui y vit seule depuis la mort de son père et la désertion de sa mère.
Marie se soumet aux règles de vie imposées par sa colocataire, toujours plus oppressante. Emma la fascine, la domine, la bouleverse. Marie se débat entre son désir pour elle et son envie de lui échapper, puisant sa force dans l'amour pour le piano.


Je te mangerais - Sophie Laloy (2009) P19388

Avant de dire que c’est l’histoire de deux filles, je dirais qu’il y a un lieu. Un grand appartement. Des tableaux, aussi. Peu de lumière. Beaucoup de piano, puisque l’une des deux filles en joue et que la bande originale en regorge. La seconde suit des études de médecine, mais on n’en saura finalement pas grand-chose. Le lieu est très présent, avec ce vitrail au bout de son couloir, et surtout ses couleurs qui imprègnent l’œil. Fades ou vives, tout dépend des pièces. Les vêtements également sont fades ou vifs, tout dépend des circonstances. Et le parquet de cet appartement grince.

C’est le deuxième film de Sophie Laloy, après D’amour et d’eau fraîche, réalisé en 2000. Elle est aussi comédienne, scénariste et ingénieur du son. Sans parvenir à affirmer qu’elle possède une griffe incomparable, on peut difficilement nier le fait qu’elle offre ici un film sans faille, à tous points de vue. Chaque instant y semble mesuré ; chaque geste, chaque bruit, chaque mouvement de caméra, au détail près dans un cadrage. Chaque effet d’ombre et de lumière. Et de couleur. Même s’il est évident qu’elle se maintient en lisière – une lisière compliquée qui touche au désir et à l’impact du désir (et de son refoulement) sur la vie et l’engagement respectif des personnages.
Puisqu’il n’y a pas que le désir (ni l’amour et l’eau fraîche). Et c’est bien ici l’intention du film : peut-on tout sacrifier au désir ? Que vaut le reste, à côté ; les motifs qu’on a de faire sonner le réveil à 5 heures et de regagner la rue, la ville, la société – les autres – lorsque le désir et ses contradictions les plus aiguës s’en mêlent et nous bouleversent ?

C’est un duel. Entre soi et soi, mais aussi entre soi et l’autre. Et si l’autre semble avoir tout abandonné de son côté afin de consacrer son temps et ses nerfs à nous compliquer la vie, elle se complique effectivement. Et, dans le film, tout se joue sur des gestes, des regards, des petits détails a priori insignifiants – peut-être encore des couleurs. On craint même, à la fin, d’être resté sur sa faim, mais il y a un signe, un petit geste de rien du tout.

Ce qui me paraît important dans ce film, c’est que les personnages ressemblent à leur époque. Ils ne s’expriment pas nécessairement au moment où il faudrait pourtant qu’ils hurlent. Ils ne disent pas les choses telles que les choses devraient être dites – ils les transforment, les travestissent, les retiennent. Ils communiquent mal, ou ne communiquent tout simplement pas. Ne savent pas, ne peuvent pas, ne veulent pas : les trois malaises combinés pour rendre un mal-être qui pulse dans l’esprit et au fond du ventre. Que puis-je donc dire à l’autre, là, dans cet instant où seuls les mots sont en mesure de détendre une situation, de jeter une lumière sur une fichue zone d’ombre ; d’éviter un drame ? Et pourquoi l’autre ne me dit donc rien non plus ? Elle me regarde et moi je ris. Elle me tourne le dos et moi je pleure. Ou bien c’est elle qui pleure, et moi je regarde ailleurs. Ou bien il se trouve qu’une vie est peut-être en jeu, mais moi je préfère sortir me bourrer la gueule et tenter de me convaincre que tout ne va finalement pas si mal.
Et on est malgré tout là, à évoluer dans une vie, une ville, et un appartement qui nous ressemble décidément beaucoup. Dans lequel on se perd, tout simplement parce que tout est fait pour que le spectateur n’y trouve aucun repère. On ignore où se trouve telle chambre, telle autre chambre, parce que c’est un dédale, une zone confuse projetée par les deux personnages en conflit.

Pas de mort. Pas de crime. Pas la peine. C'est suffisamment noir comme ça.
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