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Poetry (Shi – 2010) de Lee Chang-dong

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Poetry (Shi – 2010) de Lee Chang-dong Empty Poetry (Shi – 2010) de Lee Chang-dong

Message par Ernest Kurtz Mer 22 Sep - 10:16

Poetry (Shi – 2010), film de Lee Chang-dong, avec Yun Jung-hee, Lee David, Kim Hira, Ahn Nae-sang.
Poetry (Shi – 2010) de Lee Chang-dong Film-poetry-145150
Dans une petite ville de province de Corée du Sud, Mija élève seule son petit-fils adolescent, Wook, et travaille à temps partiel comme aide-ménagère pour un vieil homme riche et hémiplégique. Souffrant de fourmillements dans le bras et de pertes de mémoire, elle se rend en consultation dans une clinique où un médecin l’enjoint d’aller faire des examens plus approfondis à Séoul (où, plus tard dans le film, lui sera diagnostiqué un Alzheimer). Au sortir de la clinique, elle assiste à la crise d’une femme en état de choc d’avoir perdu sa fille, une adolescente qui s’est suicidée en se jetant d’un pont dans le fleuve qui traverse la ville. De retour chez elle, Mija s’inscrit à un cours de poésie. Dinant ensuite avec son petit-fils, elle évoque la mort de la jeune fille qui était dans le même collège que lui; celui-ci déclare savoir à peine de qui il s’agit. A quelque temps de là, un inconnu aborde Mija et lui fait rencontrer un groupe d’hommes: ce sont les pères de cinq collégiens qui, avec Wook, ont pendant six mois régulièrement violé la jeune fille qui s’est donnée la mort. Le collège et la police étant prêts à étouffer le scandale, les parents envisagent un dédommagement financier pour la mère de la jeune fille et demande à Mija sa participation.

Avec un tel scénario, on imagine facilement l’indigeste mélo larmoyant, plein de violonnades dégoulinantes et de gros plans lourdingues qu’Hollywood aurait pu tirer. Lee Chang-dong, lui, nous propose l’inverse: un film (sans musique!) dont les maîtres mots seront dignité et élégance.
Cette élégance et cette dignité sont personnifiées par Mija, formidable Yun Jung-hee présente dans pratiquement toutes les scènes du film et qui le tient sur ses –frêles- épaules avec retenue et discrétion. Car, à l’image des simples mais toujours jolis vêtements qu’elle porte comme si soigner son apparence était une façon d’un peu embellir le monde, Mija est ô combien digne et élégante: elle encaisse les mauvais coups de la vie avec la décence, la délicatesse de n’en rien manifester, n’informant personne de sa maladie, ne s’apitoyant jamais sur son sort, comme si l’étalage de sa souffrance aux yeux du monde risquait d’enlaidir plus encore celui-ci.
Car le monde autour de Mija peut être laid, par son indifférence (l’attitude des passants observant la mère de la suicidée en crise ou la façon dont le médecin annonce sa maladie à Mija) et son cynique (les pères achetant le silence de la mère ou la description de la jeune suicidée: c’était une fille de paysans même pas belle). Mija est spectatrice de la cruauté du monde, et même si elle cherchera à comprendre comment Wook a pu faire une telle chose et tentera de lui faire éprouver, en pure perte, du remords, mais son regard ne juge pas (en est-elle seulement capable ?), ne s’arrête pas à cette laideur. C’est au contraire vers la recherche de la beauté du monde que se tourne Mija.
Cette quête de la beauté, elle la fait en prenant des cours de poésie. Là, elle va apprendre d’abord à simplement regarder, à prendre le temps de regarder, à prendre le temps de ressentir ces émotions qu’elle tentera ensuite de traduire en un poème. Ainsi, sa lutte discrète contre la maladie, contre la perte des mots qui s’effacent de sa mémoire, elle la mènera à travers la recherche de l’expression poétique; une autre façon de tenter d’embellir le monde.
L’élégance, elle est aussi dans la mise en scène de Lee Chong-deng: pas de gros plans, la caméra se tient toujours à distance respectueuse des personnages, non pas pour tenir le spectateur éloigné de l’émotion, mais simplement comme pour préserver, par tact, leur espace vital, ne pas s’introduire indécemment en eux, ne pas les juger: juste montrer.
Qualité d’une mise en scène, dont certaines images restent longtemps dans l’œil du spectateur (le vieil homme hémiplégique nu dans sa baignoire, Mija assise sur un rocher au bord du fleuve sous la pluie), mais aussi qualité d’un remarquable scénario (primé à juste titre) dont les éléments épars prennent toute leur cohérence dans un émouvant dénouement.
Au total, ce film, -optimiste ? (cf. vers la fin le plan rapide sur la vieille voisine de Mija)-, sans tapage ni révolte, distille avec retenue, des valeurs qui vont à contre-courant du cynisme, du jeunisme, de la course permanente, de l’étalage complaisant de son ego dérisoire et de l’ostentation clinquante qui prévalent aujourd’hui; il nous montre à l’opposée une femme éprouvant de la compassion, à la vieillesse assumée, discrète, qui prend le temps d’observer des choses simples et de se laisser distraire par leur beauté.
Sans jamais s’appesantir, ce film instille dès son début une émotion sourde au cœur du spectateur qui demeurera tout du long. Ce Poetry est l’une des plus belles choses qui puissent se voir sur les écrans français cette année.
Poetry (Shi – 2010) de Lee Chang-dong Poetry-1

Old boy (Park Chan-wook – 2003); The host (Joon-ho Bong – 2006); The chaser (Na Hong-jin – 2008) ; Thirst (Park Chan-wook – 2009) ; Mother (Bong Joon-ho -2010); Breathless (Ik-June Yang – 2010) et donc Poetry, pour n’en citer que quelques uns ; depuis quelques années, le cinéma sud-coréen est décidément l’un des plus intéressants et variés du monde ; mais pourquoi les distributeurs français s’obstinent-ils à leur affubler des titres en anglais ?
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Message par txoa Mer 22 Sep - 12:00

Tu n'es pas le premier à me causer de ce film. Faut aller voir je pense. The Host était un film passionnant.
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Message par Ernest Kurtz Mer 22 Sep - 14:40

D'accord pour The Host: sur une trame de film fantastique/SF de série B, le réalisateur avait réussi quelque chose de vraiment original. Perso, la très grosse claque, ça a été Old Boy qui m'avait laissé cloué sur mon fauteuil. Breathless est aussi très très bien et très très dur dans les rapports humains. Il y a aussi, dans le genre néo-western déjanté bien allumé Le bon, la brute et le cinglé. Sinon, j'ai Mother et Thirst dans ma PàV et je tacherais d'en causer dès que vus. Mais de toute façon, vraiment, je recommande à ceux qui ne connaissent pas d'aller jeter quelques coups d'yeux sur le cinéma sud-coréen: c'est un des plus excitants du moment.
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Message par limbes Ven 24 Sep - 3:16

J'ai un peu honte, parce que j'étais vraiment partie pour voir ce film, l'autre jour, mais une sombre histoire d'horaires inadéquates et d' influx occultes, et me voilà à ingurgiter ça, plutôt

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Message par txoa Lun 18 Oct - 20:00

Vu hier. Un très bon film qui évite l'écueil du mélo notamment grâce au fait que les protagonistes ne se parlent pas. Que de l'agir. Et c'est aussi leur malheur.
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