Bois mort - James Sallis (2006)
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Bois mort - James Sallis (2006)
En quittant Memphis pour une petite ville isolée du Tennessee, le flic Turner croit avoir tourné la page d’un passé trop lourd à porter. Certes, les habitants regardent d’un drôle d’Œil l’arrivée de ce solitaire, mais Turner n’a que faire des qu’en-dira-t-on qui semblent le poursuivre depuis toujours... Malheureusement, les vieux démons ne tardent pas à resurgir quand le shérif du coin lui demande son aide sur une affaire de meurtre : un jeune vagabond qui zonait dans les environs a été retrouvé mort, empalé sur un pieu et les mains liées. Personne ne sait rien de lui si ce n’est qu’il était en possession de lettres appartenant au maire de la ville... Très vite, notre policier à la retraite se voit plongé dans une enquête tortueuse dont les secrets sont enfouis dans le passé. Les apparences sont bien souvent trompeuses... Après les enquêtes de Lew Griffin, Bois mort inaugure la nouvelle série policière de James Sallis.
Dans la préface d’un article consacré à l’auteur, Jean-Bernard Pouy a écrit : Je tiens James Sallis pour l’honneur du roman noir d’aujourd’hui. Surtout parce qu’il n’avance pas masqué, et s’adresse à des lecteurs dont il espère qu’ils savent lire. Souvent entre les lignes.
(Shanghaï express n°5, décembre 2006).
Dès les premières pages de Bois mort, nous comprenons pourquoi. Et ce sentiment ira crescendo à mesure que les chapitres se succèderont et que le narrateur nous invitera à descendre, peu à peu, dans ses cryptes mentales. Nous pouvons renoncer à le faire, bien sûr. Nous pouvons aussi lire le récit en surface, c’est à dire s’attacher à l’intrigue strictement, et le roman fonctionne de ce point de vue là. Mais le risque est grand d’estimer, à la moitié du roman, que cette histoire traîne en longueur, que Sallis est bavard, qu’il digresse, qu’il nous raconte des choses qui n’ont parfois pas grand rapport avec l’objet initial du roman, à savoir la résolution d’un meurtre.
Le risque est important de conclure, à la sortie, que Bois mort aurait pu faire 140 pages, au lieu de 280. Et c’est bien ici que Pouy pose la question du lecteur qui sait lire. La différence est nette, également, entre un roman écrit et un roman simplement narré. L’écriture vous a pris à la gorge tout au long du récit, à moins que l’ayez refusée dès le départ en refermant le livre, pour vous ruer sur autre chose de beaucoup plus limpide et fastoche.
Très rapidement, l’intrigue se pose en toile de fond. Un peu comme si Sallis l’avait juste inventée comme on prendrait un prétexte, ou un otage. Le lecteur pris en otage dans un espace mental, pas nécessairement ligoté, mais retenu cependant. Le lecteur à qui le narrateur va raconter des choses qui, initialement, n’étaient pas au programme. L’objet n’étant pas de divertir, ni de tenir en haleine, ni de respecter les codes rassurants d’un genre donné de littérature. L’objet étant d’écrire, de manipuler les mots, les images et les comportements avec suffisamment d’exigence pour parvenir à vous livrer bien autre chose qu’une simple intrigue policière à papa.
De la substance mentale pure. De l’humain, du vécu. Une complexité, non seulement dans la structure du récit, mais aussi dans la perception du monde, des êtres et des phénomènes qui environnent le narrateur ; personnage parachuté dans un espace et un temps déterminés, confronté à d’autres humains, non moins vivants, non moins mortels.
On en vient à oublier l’intrigue, mais on soupçonne aussi l’auteur de n’emprunter tous ces détours que pour mieux nous mener à la résolution du meurtre étrange. Des réponses et des pistes se trouveront enfouies, incrustées dans le passé. Mais pas uniquement celui des personnages en scène ; celui aussi contenu par l’Histoire. Ici, Sallis n’hésitera pas à asséner son lecteur de références, tant musicales que cinématographiques. On les prendra, ou bien on les contournera, lui reprochant peut-être d’étaler sa connaissance. A tort, et on comprend pourquoi, plus tard.
Un chapitre au présent, un chapitre au passé, ainsi de suite. Nous remontons le temps, et le temps continue de passer. Bois mort consiste à ce que les deux se recoupent (on a déjà vu ça 200 fois, oui), ou plutôt se percutent, s’assemblent et offrent une combinaison capable de fournir une lumière à la sortie de ces années écoulées dans cette boîte crânienne. Tout semblait pourtant sans rapport. On en était convaincu, avec le doute en suspens, sans cesse. Et ce n’était pas facile à lire, bon sang. Un type nommé Sallis nous impose un parcours complexe et périlleux, et n’offre aucun raccourci, aucune concession. Il ne tombe pas dans les panneaux et préfère s’aventurer dans le bois, même s’il n’est pas défriché. Surtout s’il ne l’est pas.
Dans la préface d’un article consacré à l’auteur, Jean-Bernard Pouy a écrit : Je tiens James Sallis pour l’honneur du roman noir d’aujourd’hui. Surtout parce qu’il n’avance pas masqué, et s’adresse à des lecteurs dont il espère qu’ils savent lire. Souvent entre les lignes.
(Shanghaï express n°5, décembre 2006).
Dès les premières pages de Bois mort, nous comprenons pourquoi. Et ce sentiment ira crescendo à mesure que les chapitres se succèderont et que le narrateur nous invitera à descendre, peu à peu, dans ses cryptes mentales. Nous pouvons renoncer à le faire, bien sûr. Nous pouvons aussi lire le récit en surface, c’est à dire s’attacher à l’intrigue strictement, et le roman fonctionne de ce point de vue là. Mais le risque est grand d’estimer, à la moitié du roman, que cette histoire traîne en longueur, que Sallis est bavard, qu’il digresse, qu’il nous raconte des choses qui n’ont parfois pas grand rapport avec l’objet initial du roman, à savoir la résolution d’un meurtre.
Le risque est important de conclure, à la sortie, que Bois mort aurait pu faire 140 pages, au lieu de 280. Et c’est bien ici que Pouy pose la question du lecteur qui sait lire. La différence est nette, également, entre un roman écrit et un roman simplement narré. L’écriture vous a pris à la gorge tout au long du récit, à moins que l’ayez refusée dès le départ en refermant le livre, pour vous ruer sur autre chose de beaucoup plus limpide et fastoche.
Très rapidement, l’intrigue se pose en toile de fond. Un peu comme si Sallis l’avait juste inventée comme on prendrait un prétexte, ou un otage. Le lecteur pris en otage dans un espace mental, pas nécessairement ligoté, mais retenu cependant. Le lecteur à qui le narrateur va raconter des choses qui, initialement, n’étaient pas au programme. L’objet n’étant pas de divertir, ni de tenir en haleine, ni de respecter les codes rassurants d’un genre donné de littérature. L’objet étant d’écrire, de manipuler les mots, les images et les comportements avec suffisamment d’exigence pour parvenir à vous livrer bien autre chose qu’une simple intrigue policière à papa.
De la substance mentale pure. De l’humain, du vécu. Une complexité, non seulement dans la structure du récit, mais aussi dans la perception du monde, des êtres et des phénomènes qui environnent le narrateur ; personnage parachuté dans un espace et un temps déterminés, confronté à d’autres humains, non moins vivants, non moins mortels.
On en vient à oublier l’intrigue, mais on soupçonne aussi l’auteur de n’emprunter tous ces détours que pour mieux nous mener à la résolution du meurtre étrange. Des réponses et des pistes se trouveront enfouies, incrustées dans le passé. Mais pas uniquement celui des personnages en scène ; celui aussi contenu par l’Histoire. Ici, Sallis n’hésitera pas à asséner son lecteur de références, tant musicales que cinématographiques. On les prendra, ou bien on les contournera, lui reprochant peut-être d’étaler sa connaissance. A tort, et on comprend pourquoi, plus tard.
Un chapitre au présent, un chapitre au passé, ainsi de suite. Nous remontons le temps, et le temps continue de passer. Bois mort consiste à ce que les deux se recoupent (on a déjà vu ça 200 fois, oui), ou plutôt se percutent, s’assemblent et offrent une combinaison capable de fournir une lumière à la sortie de ces années écoulées dans cette boîte crânienne. Tout semblait pourtant sans rapport. On en était convaincu, avec le doute en suspens, sans cesse. Et ce n’était pas facile à lire, bon sang. Un type nommé Sallis nous impose un parcours complexe et périlleux, et n’offre aucun raccourci, aucune concession. Il ne tombe pas dans les panneaux et préfère s’aventurer dans le bois, même s’il n’est pas défriché. Surtout s’il ne l’est pas.
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