Fellag - L'allumeur de rêves berbères (2007)

Dans une cité d'Alger, au début des années 1990, l'eau est distribuée deux fois par semaine, de trois heures à six heures du matin. Pendant le temps où l'eau s'écoule, la vie reprend et Zakaria, célèbre journaliste, observe de son balcon les faits et gestes de ses concitoyens, les consignant sur des fiches.

Fellag est un homme de théâtre algérien, connu en France pour ses talents d'humoriste. Son talent est apparemment diversement apprécié puisqu'il a dû quitter l'Algérie en 1995 après qu'une bombe ait explosé au cours d'une de ses représentations. J'ai voulu en savoir plus et j'ai visionné quelques vidéos en ligne. J'ai ri de bon coeur.

Son roman L'allumeur de rêves berbères pourrait très bien figurer dans une collection noire.
Zakaria, écrivain officiel, reçoit plusieurs lettres et coups de téléphone de menace. Il envoie sa famille à l'abri et lui se barricade dans son appartement d'une cité périphérique avec son fusil Manufrance. De là, il se met à boire considérablement et il écrit sur ce qu'il voit de son balcon. La nuit, bravant le couvre-feu et les diverses milices, il va picoler avec d'autres personnages, dont Aziz, un alchimiste qui fabrique un Alambic dans le but de créer l'alcool universel, l'alcool philosophale algérien. Malika, la prostituée qui a toujours des alcools forts. Rose, la vieille juive française. Djamel, qui vient lui aussi de recevoir une lettre de menace. Et d'autres personnages du peuple des quartiers.
Chaque personnage vit dans la terreur et se réfugie dans des rêves. Zakaria écrit tout cela en buvant comme un Jim Thompson du Bled.

C'est un très bon roman sur l'Algérie des années 90, mais aussi sur l'écriture comme palliatif à la terreur et sur comment cette terreur s'insinue dans tous les esprits.
C'est aussi un très bon roman noir avec suspens, violence, humour et philosophie éthylique.

"Un pays, quand il est au fond, il rebondit. L'Algérie, elle creuse." Fellag