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Haka - Caryl Férey (1998)

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Chewie
stalker
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Message par stalker Lun 29 Mar - 2:57

D'origine maorie, Jack Fitzgerald est entré dans la police d'Auckland après que sa fille et sa femme eurent mystérieusement disparu sur l'île du Sud, en Nouvelle-Zélande. Pas la moindre trace. Juste la voiture retrouvée vide et le souvenir d'un dernier geste de la main, d'un sourire radieux...
Vingt-cinq années ont passé. Jack est devenu un solitaire rapide à la détente, un impitoyable incorruptible "en désespoir stationnaire". La découverte sur une plage du cadavre d'une jeune femme au sexe scalpé ravive l'enfer des supputations et des hypothèses exacerbées par le chagrin. Secondée par une jeune et brillante criminologue, Jack, devant les meurtres qui s'accumulent, mènera l'enquête jusqu'au chaos final...


Haka - Caryl Férey (1998) 865890

Je ne saurai peut-être jamais en quoi consiste ce chaos final annoncé en quatrième de couverture du roman, car j’ai stoppé.
Page 152.
Des livres de 400 pages, je veux bien, à condition qu’il s’y passe quelque chose ; à condition qu’elles aient de la consistance ; à condition qu’elles se justifient : par ce qui y est dit (et non pas simplement « raconté », même si c’est divertissant – et là, même cet aspect fait défaut), par l’efficacité des choix narratifs de l’auteur (la question du point de vue), par la faculté de son « style » à saisir, à prendre aux tripes, et non seulement à prendre le lecteur par les sentiments ; à cribler son texte d’apparats, d’ornements, de figures, de touches impressionnistes (dont Caryl Férey semblait friand à l’époque).

Mais l’envie de stopper m’a effleuré bien avant cette 152ème page, en plein chapitre. Question d’attentes, d’exigences, d’allergies, je ne sais pas, mais les auteurs omniscients, j’ai du mal. Et à ce point omniscient, j’ai beaucoup de mal. Rien ne demeure dans l’ombre (imaginez ici une ville dénuée de ruelles coupe-gorges, c’est à dire une ville hyper-protégée, hyper assistée, bourrée de lampadaires qui abolissent les ombres portées – ce qui signifie que même Lucky Luke n’y survit pas, contrairement à l'auteur qui s'éclate comme un dieu tout puissant).
Aucune incertitude n’est confiée au lecteur afin qu’il confectionne lui-même sa petite salade ; tout est pondu au lecteur, amené sur un plateau, clés en main : nous savons tout de chaque personnage, tout nous est expliqué, révélé dans le détail à coups de flash-back ou simplement d’intermittences que l’auteur accorde aux zones d’ombres de son récit, afin de braquer des projecteurs de stade de foot dessus : je te dis tout, lecteur, tu dois tout savoir ; tu n’auras aucun effort à produire. Et ton imaginaire n’a nul besoin d’intervenir, il n’en aura pas l’opportunité. Consomme en paix, lecteur.

Je sais, il m’est arrivé plusieurs fois de critiquer des romans (et des films) à partir de cet exemple particulier, mais peu importe, je le remets sur la table (et sans précaution, je l’y pose comme un morceau de granit de quatre-cents kilos) : Jean-Pierre Melville estimait que le spectateur était assez grand pour imaginer, supposer, concevoir à sa sauce le passé des personnages de ses films. Pas la peine de tout lui souffler (Melville s'adressait vraisemblablement à des adultes). Inutile d’alourdir un film à coups de flash-back ou d’intermèdes qui nous déroulent le CV du personnage, nous permettent de survoler ses tripes à bord d’un avion de tourisme, visite guidée de l’âme du personnage par l’auteur du roman himself, et autres intrusions qui, à leur manière, ôtent toutes les parts de mystère, toutes les parts d’incertitude. Cette part essentielle d’un produit de fiction qui permettrait pourtant à tant de lecteurs de s’approprier tant de textes, au lieu de tout leur dire, de tout leur mâcher ; de leur livrer le mode d’emploi d’un rêve. Qui pourraient aussi, accessoirement, leur permettre d’interpréter la réalité qui les entoure – mais c’est une autre question, plus complexe, ou plutôt moins localisée, mais pas si étrangère qu’on pourrait le croire au sujet en cours, si vous réfléchissez bien.

Lorsqu’un roman menace de m’ennuyer, je poursuis, je persiste un peu. Lorsqu’il m’ennuie profondément, je le referme (et je l’offre à qui le souhaite). Je ne suis pas maso, et il m’en reste 134825 à lire avant de mourir, y compris un autre de Caryl Férey, plus récent. Et parmi les meilleures raisons de parler d’un roman se trouve celle-ci, à mon sens : expliquer pourquoi on a interrompu sa lecture.
Si ce petit mot critique peut éviter à des lecteurs de perdre leur temps, tant mieux. S’il en incite d’autres à trouver leur bonheur dans un produit commercial qui réfléchit à leur place, tant mieux pour eux. Et tant pis.
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Message par Chewie Lun 29 Mar - 10:09

Encore un auteur français, relativement jeune, qui n'a tellement rien à dire sur son environnement propre qu'il est obligé de situer ses thrillers en Nouvelle-Zélande ou en Afrique du Sud...

L'exotisme cheap comme remède à l'absence de vision sociale.

Si j'étais néo-zélandais ou africain du sud, je crois que je serais tenté de lui dire : de quoi tu te mêles, t'as vu l'état de ton pays d'abord ?
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Message par Ernest Kurtz Lun 29 Mar - 10:14

Comme je l'ai dit ailleurs, je l'avais lu (jusqu'au bout) il y a une petite dizaine d'années et n'ai pas cherché depuis à lire un autre Ferey. Je n'ai plus aucun souvenir de l'histoire de "Haka" et tout ce qu'en dit Stalker est sans doute vrai. En ce qui me concerne, le seul sentiment persistant qui m'en reste, et qui est pour moi rédhibitoire, est l'impression d'un livre écrit par un auteur QUI DÉTESTE SES PERSONNAGES. C'est vraiment profondément ce que j'avais ressenti en fermant ce bouquin et je trouve personnellement que cela va à l'inverse de la bonne démarche.
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Message par stalker Mar 30 Mar - 0:55

Ernest Kurtz a écrit:(...) un auteur QUI DÉTESTE SES PERSONNAGES.
Cette remarque m'a travaillé dans la journée. Je la trouve pertinente. Je n'ai pas perçu le roman de cette façon, mais mon point de vue n'exclue pas le tien : je pense que l'égo de l'auteur prend le dessus sur tout, et notamment sur la consistance des personnages (qu'il manipule comme des pantins à ficelles : j'en fais ce que je veux, je suis Dieu). Mais également sur les descriptions de paysages, souvent démonstratives : j'écris super-bien, notez.
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Message par Chewie Mar 30 Mar - 11:31

Est-ce à dire que vous insinueriez qu'un auteur qui cultive son look de surfeur sur le retour, avec séances de fitness et d'U.V. et petite boucle d'oreille qui va bien, serait un brin narcissique, voire se laisserait aller à se regarder écrire...???

Tsss. Des fois, vous faites vos concierges, quand même.

Gniark.
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Message par stalker Mer 31 Mar - 3:25

Tu as l'air drôlement bien informé, en tout cas.

Pour ma défense, suite à cette critique pas positive du tout de Haka, je tenais à préciser que ma lecture de La chambre des morts, de Franck Thilliez, avait été beaucoup plus rapide et plaisante (et achevée, pour le coup). Je cite cet exemple, puisque Férey est en train de sévir sur le même terrain que Thilliez ces derniers temps. Simple comparaison.

Je commence à me faire du mouron pour la Série noire.
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Message par Chewie Mer 31 Mar - 12:31

stalker a écrit:Je commence à me faire du mouron pour la Série noire.

Finalement, ils auraient peut-être dû faire évoluer le nom de la collection...

Quitte à proposer un nouveau format et une nouvelle orientation, je pense qu'ils se sont un peu tirés une balle dans le pied en voulant garder le nom...

Certes, les raisons marketing sont évidentes, mais une nouvelle appellation aurait permis de couper court à toutes les attentes et toutes les comparaisons inévitables avec ce que fut la Série Noire jusque dans les années 70.

Perso, je crois que j'aurais été plus indulgent avec certains textes si ça avait été le cas. Bon, j'aurais quand même fait mon réac' en disant que la Nouvelle Série Noire ne vaut pas la vraie, celle de l'âge d'or des années 50-70, mais au moins j'aurais admis l'effort, le risque et l'audace de lancer une nouvelle collection.

Là, c'est un peu comme si on nous vendait un vin de coopérative sous une étiquette de grand cru. Même en essayant de se mettre à la place de l'éditeur (l'âge d'Or, c'est fini ; les nouveaux auteurs, ça court pas les rues ; la suprématie écrasante du thriller ; les lecteurs exigeants en voie d'extinction, etc., etc.) on ne peut s'empêcher d'avoir mal au fion quand on constate le gouffre qualitatif au sein de la même collection entre ce qui fut et ce qui est... D'ailleurs, je suis bien em***dé avec mon exemplaire de Quai des Enfers : je refuse de le mettre dans ma bibliothèque roman noir (je ne voudrais pas m'attirer les foudres des fantômes de Charles Williams ou Raymond Chandler) mais je ne peux me résoudre à simplement m'en débarrasser, trop de respect pour le livre en tant qu'objet de savoir et de liberté...
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Message par stalker Mer 31 Mar - 13:55

Le contenu ne pouvait que se transformer au fil des décennies, sinon il ne contenterait aujourd'hui que des grand-pères, comme tu évoques Williams et Chandler (on pourrait dire aussi Daeninckx, Pouy, ADG ou Jonquet). La collection a traversé différentes crises en terme de qualité. Les années 90 ont vu de nombreux romans médiocres l'intégrer, dont beaucoup d'auteurs sont restés dans l'ombre par la suite, j'ai une trentaine d'exemplaires de cette époque. Mais on y trouve aussi des auteurs qui ont fait date, et ont quitté la collection ensuite.
Aujourd'hui, en étant objectif, on pourrait dire que la Série noire reflète assez bien l'époque, ou disons une certaine part de l'époque en ce qui concerne les genres qui fonctionnent : le thriller notamment. Ou plutôt un roman policier qui s'imprègne du thriller, tant sur le fond que dans la construction des intrigues. C'est ce qui marche, c'est ce qui se vend. C'est ce qui empêche la Série noire de se faire littéralement dévorer par les nuées d'autres collections aux premiers tirages en format best-seller qui fait sensation (pas seulement en provenance des USA ou du Nord). La collection s'adapte à son temps pour survivre. Elle prend un pli préconisé non pas par la qualité littéraire, mais par les tendances du marché. Naturellement, il y a de la médiocrité, mais de la médiocrité qui fait des chiffres. Pléonasme.
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Message par Chewie Mer 31 Mar - 14:57

stalker a écrit:(...) Aujourd'hui, en étant objectif, on pourrait dire que la Série noire reflète assez bien l'époque, ou disons une certaine part de l'époque en ce qui concerne les genres qui fonctionnent : le thriller notamment. Ou plutôt un roman policier qui s'imprègne du thriller, tant sur le fond que dans la construction des intrigues.

Oui, et c'est sans doute pour ça que Gallimard a opté pour un "petit jeune" il y a quelques années : éviter que la collection ne meurt et ne devienne qu'un musée, certes prestigieux, mais un musée tout de même.

D'ailleurs, pas sûr que la place soit enviable : se retrouver comme ça à la croisée de plusieurs époques, avec un héritage prestigieux en guise d'épée de Damoclès, sur fond de récession de marché du livre et d'essoufflement caractérisé du roman noir français, c'est un challenge comme on dit...

J'imagine que pas mal de gens auraient mal vécu que Gallimard dise : "Ok, la SN, c'est fini, le numéro XXXX sera le dernier, sortez vos mouchoirs, et on vous reparlera de notre nouvelle collection Ultra Noire d'ici la fin de l'année...", mais ce sera encore plus difficile pour tout le monde si, finalement, ce sont les lecteurs qui finissent par dire : "Stop! Arrêtez le massacre" et que la collection s'éteigne dans
l'indifférence générale avec des chiffres de ventes à trois numéros seulement.... Une triste fin pour la Vieille Dame, non ?

Moi, je crois à la récurrence des modèles historiques, à la pertinence des modèles cycliques. Le roman noir américain hardboiled initié par Hammett en 1929 n'est pas sorti de nulle part d'un coup de baguette magique : il fait suite à une longue tradition de roman à énigmes, de romans à "suspense" qui a fini par s'essouffler, dans un contexte de période de crise économique et sociale très marquée.

La version moderne du roman à énigmes nous l'avons : le f(a/u)meux thriller et son non moins f(a/u)meux serial-killer.

Croire qu'il va régner encore pendant des siècles serait une erreur. Depuis le Silence des Agneaux, pas mal d'eau a coulé sous les ponts, et l'apogée d'une période de prolifération d'un genre atristique quelconque précède toujours de peu sa fin. Pas la peine d'être grand clerc pour voir que nous sommes en plein dans cette période de prolifération du thriller, proche de l'overdose livresque et télévisuelle.

Pour la crise économique et sociale, on l'a aussi. On se sert même de celle de 1929 comme référence, justement.

Nous sommes mûrs pour une résurgence du roman noir hardboiled, version 21ème siècle. Si je devais créer une collection demain, c'est là que j'irais chercher, quitte à ramer un peu et à devoir utiliser les forceps, quitte à prendre certains jeunes auteurs par la main en leur disant : "bon, ok, c'est pas encore ça, mais on va bosser et on va faire un putain de roman noir" mais pas une bouse de thriller ou de récit formaté pour lectrices de Elle...
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Message par limbes Ven 9 Avr - 22:51

Chewie, que verrais-tu dans un hard-boiled version XXIème siècle ?

Ce qui fait l’intérêt du roman policier (au sens large), depuis ses origines, c’est sa faculté à se renouveler et ce bien qu’il soit très formaté au plan de ses contraintes (c’est peut-être justement pour ça qu’il est obligé, pour survivre, de miner les codes et de les modifier). Sur le thriller, et d’ailleurs sur le roman pur d’énigmes, je ne crois pas que ce soit si facile que ça à fabriquer. On a toujours l’air de dire que c’est facile, pour les (le) dénigrer. Je ne pense pas d’ailleurs qu’il suffise de dire qu’un bouquin soit un thriller pour que ce soit mauvais (et inversement). Mais c’est une parenthèse.

Après, je me demande en quoi il reflète en partie la société d’aujourd’hui, il me semble comme Chewie qu’il remplace le roman d’énigmes en ce qu’il est une littérature purement fictive, une sorte d’imaginaire proposé au lecteur pour se détendre, et qu’en se plaçant uniquement sur le terrain de la peur individuelle (la peur de la potentielle victime vis-à-vis d’un autre individu déviant et dangereux), il participe de l’idéologie actuelle (où la question de la société ne se pose pas ou peu ou à la marge). En gros, dans ce genre de romans, j’ai le sentiment qu’on agite des peurs comme des chiffons rouges pour éviter d’en considérer d’autres.

Sur l’écriture proprement dite, et ce que tu dis Stalker de l’omniscience de l’auteur, je suis assez d’accord, mais, en même temps cette fameuse écriture distanciée, neutre, « objective », qui prétend aux faits rien qu’aux faits, on pourrait dire qu’elle est plus fourbe, au sens où elle ferait comme si l’auteur n’existait pas, comme s’il n’était qu’un intermédiaire parfaitement neutre d’une réalité brute dont il ne serait que le transmetteur ; or, le simple choix des faits, d’un adjectif, d’un verbe, d’une dramaturgie romanesque (donc d’une invention) l’implique déjà totalement sauf qu’il ne veut pas le dire, qu’il fait croire qu’il est absent. Il est démocratique, mais il manipule en douce son petit lecteur en lui faisant croire que ce dernier est libre de penser ce qu’il veut… Non ? Et puis, parfois, il y a ce sentiment qu’il manque quelque chose… Enfin je me fais l’avocat du diable, parce que j’aime plutôt bien ça. J’interroge juste le lien qu’on peut faire spontanément entre écriture quasi-clinique et réalisme… Une autre voie (voix) est la peau et le regard d’un personnage, dans lequel l’auteur se fond (j’aime bien ça, aussi).
A mon sens c’est un peu le cœur de l’écriture, cette question de la distance (et c’est intéressant de noter qu’au XIXème, c’était déjà le cas, comme quoi, tout change et rien ne change…)

Quant à la Série noire, j’avoue que je me fiche un peu de l’historique (mais c’est sans doute parce que je le connais mal).
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Message par stalker Sam 10 Avr - 8:29

L'omniscience de l'auteur, tout dépend comment l'auteur l'orchestre.
Le danger, c'est la question du plein pouvoir de l'auteur sur ses personnages : il les invente et les manipule à sa guise, à tous points de vue, comme des pantins tenus par des ficelles. L'auteur se veut absent, mais on entend que lui, en fin de compte, alors qu'il avait décidé d'être absent. On entend que lui, parce qu'il s'est disséminé dans le casting de son histoire. C'est un exemple de récit omniscient qui me dérange.
Une autre forme, parmi d'autres nuances possibles, consiste à formuler des constats. L'auteur est témoin du monde dans lequel il vit, et ses personnages qu'il injecte dans un récit, qu'il met en scène, lui permettent d'exposer son regard sans se mettre lui-même en scène. C'est subtil à réaliser, car le danger précédent guette sans cesse. L'auteur doit s'écraser ; taire ses goûts et ses couleurs ; lutter contre lui-même, en somme.

La frontière entre les deux exemples est infime. C'est l'individualisme forcené qui la détermine. Ecrire un livre est une forme avancée de narcissisme, alors comment parvenir à écrire un livre qui envisage de montrer du doigt le symptôme narcisse dans la littérature ? Un exercice compliqué pourrait consister à écrire deux livres. Le premier où l'auteur s'efforcerait de taire ce qu'il est et de ne livrer que des constats (qui sont toujours des interprétations, on est bien d'accord), un témoignage le plus objectif possible, sans jugement, sans critique. Puis un deuxième livre où l'auteur se mouille complètement et se livre corps et âme. Un livre où on entend que lui, où il prend position, où il juge et critique - par l'intermédiaire d'un personnage de fiction, ou pas. Michel Houellebecq le fait très bien, par exemple.

Thriller ou roman policier ou je ne sais quoi, au fond, ça n'a aucune importance. Ce qui peut tout fausser, tout compromettre, c'est la destination de ce qu'on écrit : pour qui l'écrit-on et pourquoi l'écrit-on ? Pour briller aux yeux des lecteurs (regardez-moi, écoutez-moi, je suis Dieu pendant 400 pages) ? Ou pour leur dire quelque chose* ?



* Ah oui, les romans et les films "à messages" sont mal vus, ou rangés dans une catégorie étrange qu'on nomme "roman à messages", ou "film à messages". Et alors ? Un roman ou un film qui n'a rien à vous DIRE, ça vous fait bander ?
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Message par Chewie Dim 11 Avr - 1:58

Chewie, que verrais-tu dans un hard-boiled version XXIème siècle ?

En ce qui me concerne, je cherche désespérément un roman noir français moderne qui parle de la société dans laquelle nous vivons, avec ses angoisses, ses travers et ses obsessions, le tout dans une écriture brute, râpeuse et sans concessions. Un Moisson Rouge ou un Linceul n'a pas de poches version frenchie. Un truc qui évoquerait aussi bien le communautarisme et le retour du fait religieux sur fond d'agonie du corpus social français que la politique spectacle, les quotas ethniques, la corruption généralisée, l'hypocrisie des médias, le conflit des générations et la violence DANS les institutions autant que CONTRE les institutions, avec pour trame de fond une crise économique majeure partie pour s'installer dans la durer. Un constat sans phare de la France de 2010, et surtout sans la morale sociale du néo-polar.

Après, peut-être que cette attente n'est pas partagée, ou peut-être que les gens ont trop peur de la violence réelle et préfèrent se réfugier dans la violence fantasmée du thriller, peut-être que les éditeurs sont devenus trop frileux, ou ont perdu contact avec la vie réelle, eux aussi, ou que cette réalité n'existe tout simplement pas pour eux ?

Je ne pense pas d’ailleurs qu’il suffise de dire qu’un bouquin soit un thriller pour que ce soit mauvais (et inversement).

J'ai parfois des raccourcis hâtifs, j'en conviens. « Bouse de thriller » ne signifiait pas que tous les thrillers en sont, de la bouse, mais faisait plus référence à la volonté d'une certaine partie de l'édition à vouloir en chier à tout bout de champ de façon mécanique puisque ça rapporte.

En gros, dans ce genre de romans, j’ai le sentiment qu’on agite des peurs comme des chiffons rouges pour éviter d’en considérer d’autres.

Tout-à-fait d'accord. Le personnage du serial-killer m'ennuie, parce que trop factice, trop outrancier, trop grand-guignol, et m'agace, parce qu'il sert à masquer les authentiques assassins du quotidien.

--------------------------------------------------------------

Pour l'histoire de la narration et de son point de vue, je suis assez en phase avec Limbes : la narration omnisciente n'est jamais authentiquement neutre, ou alors très froide et assez lisse (cf. Citoyens Clandestins de DOA, par exemple, très bon thriller "d'espionnage" plombé par cette reluctance évidente de l'auteur à prendre parti et à se réfugier dans une narration omnisciente glaciale), et la narration à la première personne me semble trop réductrice dans le roman noir.

Du coup, je préfère (pour l'instant) la narration subjective. Bien sûr, ça demande une certaine attention au lecteur, et ça implique la compréhension que la prose puisse se contredire, mais c'est une voie qui m'a semblé évidente pour un récit avec beaucoup de personnages contrastés, dont l'antagonisme profond, voire viscéral, est souvent politique (là c'est un exemple perso dans le cadre du roman noir).
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Message par edmond Gropl Dim 11 Avr - 2:17

Chewie a écrit:
Chewie, que verrais-tu dans un hard-boiled version XXIème siècle ?

En ce qui me concerne, je cherche désespérément un roman noir français moderne qui parle de la société dans laquelle nous vivons, avec ses angoisses, ses travers et ses obsessions, le tout dans une écriture brute, râpeuse et sans concessions. Un Moisson Rouge ou un Linceul n'a pas de poches version frenchie. Un truc qui évoquerait aussi bien le communautarisme et le retour du fait religieux sur fond d'agonie du corpus social français que la politique spectacle, les quotas ethniques, la corruption généralisée, l'hypocrisie des médias, le conflit des générations et la violence DANS les institutions autant que CONTRE les institutions, avec pour trame de fond une crise économique majeure partie pour s'installer dans la durer. Un constat sans phare de la France de 2010, et surtout sans la morale sociale du néo-polar.

]

Je trouve que le thriller de Pierre Bordage entre dans ces critères, l'auteur a une vision du monde, on est pas obligé de la partager mais au moins il n'occulte pas la réalité de notre société actuelle. Par contre, je sais pas si le style conviendrait (par rapport à un Hammet ou un Mac coy)
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Message par txoa Dim 11 Avr - 19:12

Une écriture très clinique, comportementaliste, totalement dénuée de psychologie n'est pas neutre. Il s'agit d'un style à part entière (Voir "Drive" de Sallis ou certains Manchette) laissant libre cours au lecteur d'apprécier la vie ou mieux, la psyché des personnages. "Citoyen Clandestin" a plus à voir avec un style plat, une absence de style.
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