Willeford, Charles - L'île flottante infestée de requins (1993 Rivages 2001)

Ils sont quatre autour de la piscine d'une résidence exclusivement réservée aux célibataires. Larry Dolman est responsable de la sécurité à la Nationale de Surveillance, Hank Norton est visiteur médical, Eddie est pilote de ligne et Don Luchessi gagne beaucoup d'argent comme représentant d'une maison d'argenterie anglaise. Ils sont quatre et ils boivent. Pour tuer l'ennui, l'un d'eux relève le défi d'aller draguer une fille dans un drive-in et de la ramener à la résidence. Mais la blague tourne à la tragédie...

C'est le roman le plus long de Charles Willeford et celui qu'il tenait pour son oeuvre majeure. C'est, selon lui, un livre qui "en dit beaucoup sur l'inéluctable brutalité de la vie urbaine... c'est une peinture honnêtement dégueulasse de ce que l'on appelle communément des jeunes gens ordinaires".

Ce roman est donc celui que Charles Willeford tenait pour son œuvre majeure.

C'est un livre déroutant puis fascinant.


Déjà le titre L'île flottante infestée de requins (The Shark-Infested Custard) est un peu obscur. Une pâtisserie infestée de requins ?

Ensuite le récit, divisé en deux parties. La première, environ 100 pages, est du pur Willeford, celui qu'on connait. Il s'agit d'un fait divers absurde, un enchaînement de circonstances hallucinantes amenant une tragédie incompréhensible, enfin incompréhensible pour ses protagonistes, tous dépassés par la situation, mais aussi pour le lecteur. Tout cela part d'un pari idiot, quatre "yuppies" font le pari que l'un deux parviendra à emballer une femme dans un ciné-Drive-in, considérant que c'est un endroit où la drague est impossible, toutes femme étant accompagnée. Tout cela va évidemment très mal se terminer.

Dans la seconde partie, nous suivons sur plusieurs années nos quatre "cadres dynamiques", quatre hommes très bien intégrés mais qui ont commis un acte criminel. Nous les suivons dans leur vie quotidienne. Et là, le récit devient très étrange, inquiétant et étrange. Il y a des changements de narrateurs, les choses deviennent illogiques, on ne parvient plus à suivre, les comportements de ces hommes sont incompréhensibles, il se passe des choses mais on dirait qu'il ne se passe rien. Et puis c'est fini et le lecteur se demande (enfin, je me suis demandé) : de quoi s'agit-t-il ?

C'est une question que je me pose toujours. Ce que je sais, c'est que longtemps après avoir lu ce livre, j'ai toujours l'impression d'avoir approché au plus près l'intimité criminelle de ces quatre personnages, j'ai l'impression qu'ils sont en moi. Contrairement aux autres Willeford où on apprécie le talent de l'auteur à nous embarquer dans des histoires de cinglés, là il s'opère autre chose.

Un livre déroutant. Pas le plus facile pour découvrir Willeford.

André Toutou a écrit:Un livre déroutant. Pas le plus facile pour découvrir Willeford.

Oui c'est vrai, il faut le lire en dernier.

Damned, il faut que je le relise parce qu'il ne m'avait pas semblé aussi énigmatique que cela...

L'énigme qui me tarabuste est: Pourquoi Willeford considére-t-il ce livre comme son oeuvre la plus importante? que veut-il nous dire par là ?