La vie de ma mère ! - Thierry Jonquet (1994)

Le récit est écrit à la première personne et au passé composé. « Je » est un môme des cités. Il fait de son mieux, est-il précisé à deux reprises en quatrième de couverture. Il raconte son histoire. Il parle de son passage du CM2 à la sixième et de la vie dans la cité. Il parle de ses goûts, de ses incompréhensions, de ses souvenirs. De sa famille, de ses profs, de ses voisins, de ses rencontres, de ses sentiments.

Il parle aussi de ses doutes. Et le récit nous place au plus près du narrateur, afin qu’on le suive dans ses gestes et qu’on pose les yeux sur les sujets qui captivent les siens, dans l’instant. Le lecteur précède ainsi fréquemment le narrateur, parce qu’il est maladroit, souvent ; parce qu’il ignore, aussi.
Mais il fait de son mieux, et l’auteur le souligne à chaque moment en s’efforçant de témoigner de la vie du môme ; en imposant aucun drame ; en désignant les choses objectivement, c’est à dire en respectant le langage et les notions de son narrateur et, probablement, de restituer ce qu’il a pris soin de recueillir lui-même avant d’écrire.

Il fait de son mieux et on lui pardonne. On lui pardonne ses confusions et ses choix. Car l’auteur nous propose un rapport immédiat au récit, en sachant que « nous » savons dès le départ, ou qu’on sera en mesure d’anticiper, mais pas de rectifier.

J’imagine qu’un récit similaire pourrait être écrit par chacun des personnages que celui-ci met en scène. Sans exception. Ils feraient chacun de leur mieux et on les accompagnerait dans leur parcours. On assisterait, impuissants et anticipant de même, sans doute.
Et on leur pardonnerait, sans doute aussi.
Puisque tout désordre a ses origines.



Série noire n°2364 – 1994
Adapté en BD, illustré par Chauzy et scénarisé par Jonquet (Casterman)