La foire aux immortels (trilogie Nikopol) - Enki Bilal (1980-1992)
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La foire aux immortels (trilogie Nikopol) - Enki Bilal (1980-1992)
Pas de synopsis. Ce serait trop compliqué et risqué. On pourrait bien passer complètement à côté de l’essence de cette trilogie troublante (qui ne vieillit décidément pas et qui peut nous hanter des années et des années et des années encore).
C’est une colère, d’abord, je crois. Multiple. Une immense colère ou un immense éclat de rire, désespéré, face au spectacle du monde qui se déroule sous nos yeux, encore et encore, sans cesse dynamisé par des trouvailles (un peu comme une série télé qui marche, et dont les scénaristes se voient contraints de se défoncer pour continuer de captiver l’attention d'un public nombreux). Mort de rire, ou déjà mort depuis longtemps, à notre insu.
C’est une foire apocalyptique qui ouvre le bal de ce projet solo d’Enki Bilal. L’auteur a beau nous suggérer d’en rire, ça peut ne pas fonctionner. Nous pouvons le prendre au premier degrés, car tous les ingrédients nous sont donnés pour ça. La colère n’est jamais apaisée. Il se pourrait qu’elle constitue le fil rouge de ce récit ; son axe vital ; la sève de cette monstrueuse mascarade que Bilal a enfantée.
Passé, présent, futur.
On peut se surprendre à penser que l’auteur s’est planté, à force de tenter d’anticiper le futur lorsqu’il réalise La foire aux immortels en 1980. On peut aussi redouter qu’il ait vu juste lorsque, en 1992, il achève la trilogie en déroulant son récit en 2025.
On peut aussi en rire (bien entendu, on a encore le droit, profitons-en, soyons fou).
Ou s’étonner qu’on parle encore aujourd’hui de cette trilogie, déjà âgée de 18 ans (diantre…), tandis que tout doit aller si vite autour de nous, tout le temps ; tout doit être assimilé en temps et en heure, sous peine d’être à la masse à deux heures et quatre minutes près.
C’est complètement surréaliste. Complètement barré. Oui. C’est assez monstrueux, aussi. Parodique, à souhait. De la rage dans chaque coup de crayon gras ou de pinceau acrylique. Douze ans pour conclure cette histoire (magnifique et dramatique). Il me semble que Bilal, à propos de la tétralogie du Sommeil du monstre, bien plus tard, a dit quelque chose comme : « Et dans ce chaos, des êtres parviennent encore à s’aimer. »
La trilogie se compose aussi de La femme piège (1986) et Froid équateur (1992).
Bilal en a réalisé entre temps une certaine forme d’« adaptation », mais c’est encore autre chose ; un autre sujet. Le film s’intitule Immortel. C’est un sujet à part entière, à ne pas confondre avec la bande dessinée elle-même. Discutable, discuté.
Il y a peut-être deux écoles. Celle qui consiste à croire qu’il faut continuer de s’aimer, en dépit des bombes, et celle qui n’y croit plus – qui prescrit de ne plus y croire, de ne plus l’envisager, de ne même plus le concevoir.
D’autres écoles encore, qui ne prennent par exemple pas l’amour en compte (l’humain et son besoin fondamental d’aimer et d’être aimé) ; qui attendent d’autres discours de la part d’une BD (juste une BD, n’est-ce pas) ; qui se sont peut-être laissés convaincre que le besoin d’aimer et d’être aimé appartient déjà à une autre époque.
Bilal n’en démord pas.
Je ne sais pas si Bilal baissera les bras un jour.
Réalisera-t-il un album où plus aucun espoir ne sera permis (autorisé, imaginable) ?
Un album de Bilal désespéré.
Un doute.
.
C’est une colère, d’abord, je crois. Multiple. Une immense colère ou un immense éclat de rire, désespéré, face au spectacle du monde qui se déroule sous nos yeux, encore et encore, sans cesse dynamisé par des trouvailles (un peu comme une série télé qui marche, et dont les scénaristes se voient contraints de se défoncer pour continuer de captiver l’attention d'un public nombreux). Mort de rire, ou déjà mort depuis longtemps, à notre insu.
C’est une foire apocalyptique qui ouvre le bal de ce projet solo d’Enki Bilal. L’auteur a beau nous suggérer d’en rire, ça peut ne pas fonctionner. Nous pouvons le prendre au premier degrés, car tous les ingrédients nous sont donnés pour ça. La colère n’est jamais apaisée. Il se pourrait qu’elle constitue le fil rouge de ce récit ; son axe vital ; la sève de cette monstrueuse mascarade que Bilal a enfantée.
Passé, présent, futur.
On peut se surprendre à penser que l’auteur s’est planté, à force de tenter d’anticiper le futur lorsqu’il réalise La foire aux immortels en 1980. On peut aussi redouter qu’il ait vu juste lorsque, en 1992, il achève la trilogie en déroulant son récit en 2025.
On peut aussi en rire (bien entendu, on a encore le droit, profitons-en, soyons fou).
Ou s’étonner qu’on parle encore aujourd’hui de cette trilogie, déjà âgée de 18 ans (diantre…), tandis que tout doit aller si vite autour de nous, tout le temps ; tout doit être assimilé en temps et en heure, sous peine d’être à la masse à deux heures et quatre minutes près.
C’est complètement surréaliste. Complètement barré. Oui. C’est assez monstrueux, aussi. Parodique, à souhait. De la rage dans chaque coup de crayon gras ou de pinceau acrylique. Douze ans pour conclure cette histoire (magnifique et dramatique). Il me semble que Bilal, à propos de la tétralogie du Sommeil du monstre, bien plus tard, a dit quelque chose comme : « Et dans ce chaos, des êtres parviennent encore à s’aimer. »
La trilogie se compose aussi de La femme piège (1986) et Froid équateur (1992).
Bilal en a réalisé entre temps une certaine forme d’« adaptation », mais c’est encore autre chose ; un autre sujet. Le film s’intitule Immortel. C’est un sujet à part entière, à ne pas confondre avec la bande dessinée elle-même. Discutable, discuté.
Il y a peut-être deux écoles. Celle qui consiste à croire qu’il faut continuer de s’aimer, en dépit des bombes, et celle qui n’y croit plus – qui prescrit de ne plus y croire, de ne plus l’envisager, de ne même plus le concevoir.
D’autres écoles encore, qui ne prennent par exemple pas l’amour en compte (l’humain et son besoin fondamental d’aimer et d’être aimé) ; qui attendent d’autres discours de la part d’une BD (juste une BD, n’est-ce pas) ; qui se sont peut-être laissés convaincre que le besoin d’aimer et d’être aimé appartient déjà à une autre époque.
Bilal n’en démord pas.
Je ne sais pas si Bilal baissera les bras un jour.
Réalisera-t-il un album où plus aucun espoir ne sera permis (autorisé, imaginable) ?
Un album de Bilal désespéré.
Un doute.
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