Petite fée d'hiver
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Petite fée d'hiver
Avant de l'envoyer quelque part, je vous soumets ce court texte, des fois que des failles s'y trouvent...
stalker- Admin
- Messages : 3379
Date d'inscription : 03/06/2008
Localisation : un hameau paumé
Re: Petite fée d'hiver
- Je t’aime un peu, dit-elle sur un ton appliqué. Beaucoup, passionnément, mais tu me crois toujours folle, n’est-ce pas ?
Elle ôta trois ou quatre pétales d’un seul coup et les envoya voltiger parmi les flocons. Elle considéra tristement la fleur, puis revint à la tombe : « C’est bien qu’il ait neigé autant, comme ça au moins je ne vois ni ton portrait ni ton nom. Ça m’évite de pleurer. »
Elle reprit : « Je t’aime un peu, beaucoup, passionnément… »
Mais il savait bien qu’elle était folle. Maboule, timbrée, fêlée, ce qui ne l’empêchait pas de l’aimer puisqu’elle était jolie, patiente, coquette, fidèle. Un tantinet étourdie, aussi, mais tellement attachante, et les pétales en forme de paupières closes continuaient à danser dans la neige.
Elle s’était agenouillée devant la stèle et faisait de courtes pauses pour réchauffer ses doigts, parce qu’il faisait vraiment frisquet dans ce petit cimetière de campagne et qu’elle attrapait facilement des onglées : « Je t’aime un peu, beaucoup… »
Fichu sort. Juste avant la neige, du verglas. Sur le verglas, une voiture. Devant la voiture : lui. Et bang, un choc sourd qui l’expédia aux anges. Elle n’avait pas voulu le croire, mais n’avait à vrai dire pas encore réalisé. Elle venait donc lui parler tous les jours depuis, c'est-à-dire depuis quatre jours.
Peut-être qu’il était là provisoirement comme sur un lit d’hôpital ou dans une tenue de scaphandrier ; qu’il allait en surgir d’un moment à l’autre et lui demander d’arrêter de parler toute seule comme ça. Ils allaient se faire remarquer et il aurait un peu honte, mais pas beaucoup.
Elle reprit : « Je t’aime un peu, beaucoup, passionnément… »
Bang, puis crash, ça avait fait ensuite. Car la voiture elle-même s’était prise un mur, et comme il faut. Il y avait eu des mouvements dans l’habitacle, puis hop, plus rien. Aux anges le conducteur itou. Sale journée et fichu verglas. Heureusement que la neige était venue recouvrir toutes ces vilaines traces quelques heures plus tard.
Et elle, dans son petit manteau à capuchon pointu, dépouillait ses fleurs en oubliant à chaque fois où elle en était : « …beaucoup, passionnément, non, attend… un peu, beaucoup… non, zut, je recommence : je t’aime… »
Avant d’entamer la dernière fleur, elle releva les yeux et sourit à la sépulture : « C’est promis, quand tu vas revenir je ferai des efforts. J’essayerai d’être moins tête en l’air, tu verras. »
Elle reprit et une silhouette apparut au bout de l’allée.
C’était une femme vêtue de noir qui portait un bouquet rouge et s’immobilisa bientôt à hauteur de la fille à genoux. Celle-ci figea son geste et se tourna pour saluer l’inconnue.
Ensuite, elle se mit debout et la femme se signa avant de déposer son bouquet sur la neige. La fille en profita pour jeter ses derniers pétales en chuchotant : « …beaucoup, passionnément… »
- C’est affreux cet accident, sanglota la femme. Juste avant qu’il s’en aille, je lui ai dit : Robert ne roule pas trop vite, ça doit glisser (sanglot). Et ce pauvre piéton qui passait juste à ce moment là, c’est bien malheureux…
Ses tiges sans pétales à la main, la fille enjamba précipitamment la tombe et ôta la neige sur le nom gravé : « Oh pardon ! » murmura-t-elle, rouge de honte, avant de regagner l’allée sous le regard perplexe de la femme, et de réaliser que c’était le caveau d’à côté.
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Elle ôta trois ou quatre pétales d’un seul coup et les envoya voltiger parmi les flocons. Elle considéra tristement la fleur, puis revint à la tombe : « C’est bien qu’il ait neigé autant, comme ça au moins je ne vois ni ton portrait ni ton nom. Ça m’évite de pleurer. »
Elle reprit : « Je t’aime un peu, beaucoup, passionnément… »
Mais il savait bien qu’elle était folle. Maboule, timbrée, fêlée, ce qui ne l’empêchait pas de l’aimer puisqu’elle était jolie, patiente, coquette, fidèle. Un tantinet étourdie, aussi, mais tellement attachante, et les pétales en forme de paupières closes continuaient à danser dans la neige.
Elle s’était agenouillée devant la stèle et faisait de courtes pauses pour réchauffer ses doigts, parce qu’il faisait vraiment frisquet dans ce petit cimetière de campagne et qu’elle attrapait facilement des onglées : « Je t’aime un peu, beaucoup… »
Fichu sort. Juste avant la neige, du verglas. Sur le verglas, une voiture. Devant la voiture : lui. Et bang, un choc sourd qui l’expédia aux anges. Elle n’avait pas voulu le croire, mais n’avait à vrai dire pas encore réalisé. Elle venait donc lui parler tous les jours depuis, c'est-à-dire depuis quatre jours.
Peut-être qu’il était là provisoirement comme sur un lit d’hôpital ou dans une tenue de scaphandrier ; qu’il allait en surgir d’un moment à l’autre et lui demander d’arrêter de parler toute seule comme ça. Ils allaient se faire remarquer et il aurait un peu honte, mais pas beaucoup.
Elle reprit : « Je t’aime un peu, beaucoup, passionnément… »
Bang, puis crash, ça avait fait ensuite. Car la voiture elle-même s’était prise un mur, et comme il faut. Il y avait eu des mouvements dans l’habitacle, puis hop, plus rien. Aux anges le conducteur itou. Sale journée et fichu verglas. Heureusement que la neige était venue recouvrir toutes ces vilaines traces quelques heures plus tard.
Et elle, dans son petit manteau à capuchon pointu, dépouillait ses fleurs en oubliant à chaque fois où elle en était : « …beaucoup, passionnément, non, attend… un peu, beaucoup… non, zut, je recommence : je t’aime… »
Avant d’entamer la dernière fleur, elle releva les yeux et sourit à la sépulture : « C’est promis, quand tu vas revenir je ferai des efforts. J’essayerai d’être moins tête en l’air, tu verras. »
Elle reprit et une silhouette apparut au bout de l’allée.
C’était une femme vêtue de noir qui portait un bouquet rouge et s’immobilisa bientôt à hauteur de la fille à genoux. Celle-ci figea son geste et se tourna pour saluer l’inconnue.
Ensuite, elle se mit debout et la femme se signa avant de déposer son bouquet sur la neige. La fille en profita pour jeter ses derniers pétales en chuchotant : « …beaucoup, passionnément… »
- C’est affreux cet accident, sanglota la femme. Juste avant qu’il s’en aille, je lui ai dit : Robert ne roule pas trop vite, ça doit glisser (sanglot). Et ce pauvre piéton qui passait juste à ce moment là, c’est bien malheureux…
Ses tiges sans pétales à la main, la fille enjamba précipitamment la tombe et ôta la neige sur le nom gravé : « Oh pardon ! » murmura-t-elle, rouge de honte, avant de regagner l’allée sous le regard perplexe de la femme, et de réaliser que c’était le caveau d’à côté.
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Dernière édition par stalker le Mer 6 Mai - 17:41, édité 4 fois
stalker- Admin
- Messages : 3379
Date d'inscription : 03/06/2008
Localisation : un hameau paumé
Re: Petite fée d'hiver
Aucune faille décelée dans cette petite histoire triste que je verrais bien en bande dessinée presque sans paroles, en noir et blanc avec juste de petites touches de rouge pour les pétales.
Replay- Messages : 528
Date d'inscription : 03/06/2008
Localisation : Bretagne
Re: Petite fée d'hiver
L'ensemble se tient, l'histoire est plaisante.
Dans l'avant dernier paragraphe, les femmes se mêlent un peu! Peut-être est-ce un effet voulu?
Une chose tout de même: Le "s'écria-t-elle" final me gène! L'imaginant plutôt gênée et honteuse, ne chuchoterait-elle pas? N'est-ce pas plus l'expression de son visage et ses gestes qui parlent pour elle?
Dans l'avant dernier paragraphe, les femmes se mêlent un peu! Peut-être est-ce un effet voulu?
Une chose tout de même: Le "s'écria-t-elle" final me gène! L'imaginant plutôt gênée et honteuse, ne chuchoterait-elle pas? N'est-ce pas plus l'expression de son visage et ses gestes qui parlent pour elle?
Invité- Invité
Re: Petite fée d'hiver
Très juste, Alex.
Je modifie.
Merci pour vos regards.
Je modifie.
Merci pour vos regards.
stalker- Admin
- Messages : 3379
Date d'inscription : 03/06/2008
Localisation : un hameau paumé
Re: Petite fée d'hiver
Le cri murmuré peut être...
Elle est bien cette histoire, triste comme je les aime. Elle m'a fait penser à "réveille toi" de Ange.
Elle est bien cette histoire, triste comme je les aime. Elle m'a fait penser à "réveille toi" de Ange.
txoa- Messages : 1108
Date d'inscription : 11/06/2008
Localisation : To lose ou presque
Re: Petite fée d'hiver
Murmuré, c'est mieux encore, d'autant qu'il y a déjà un chuchotement dans le paragraphe précédent.
Merci Txoa.
Merci Txoa.
stalker- Admin
- Messages : 3379
Date d'inscription : 03/06/2008
Localisation : un hameau paumé
Re: Petite fée d'hiver
C'est un texte qui m'interroge sur cette histoire de sépulture.
La jeune fille est-elle juste confuse d'avoir usurpé l'endroit d'un autre mort (alors qu'elle ne pense pas vaiment que le sien est mort), ou est-ce autre chose?
Je me demande à quel point c'est important de parler à la bonne tombe.
La jeune fille est-elle juste confuse d'avoir usurpé l'endroit d'un autre mort (alors qu'elle ne pense pas vaiment que le sien est mort), ou est-ce autre chose?
Je me demande à quel point c'est important de parler à la bonne tombe.
limbes- Messages : 640
Date d'inscription : 05/06/2008
stalker- Admin
- Messages : 3379
Date d'inscription : 03/06/2008
Localisation : un hameau paumé
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