Point de vue sur l'écriture behavioriste
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Point de vue sur l'écriture behavioriste
Trouvé incidemment en lisant L'ère du soupçon, de Nathalie Sarraute:
« Ce sont ces gros mobiles, ces vastes mouvements très apparents et eux seuls, que voient d’ordinaire les auteurs et les lecteurs, entraînés dans le mouvement de l’action et talonnés par l’intrigue, des romans behavioristes. Ils n’ont ni le temps ni le moyen – ne disposant d’aucun instrument d’investigation assez délicat – de voir avec exactitude les mouvements les plus fugitifs et les plus fins que ces grands mouvements pourraient dissimuler.
Ainsi comprend-on la répugnance qu’éprouvent ces auteurs pour ce qu’il nomme l’ "analyse", qui consisterait pour eux à montrer ces grands mobiles bien visibles, à mâcher ainsi à leurs lecteurs une besogne déjà trop facile et à se donner eux-mêmes l’impression désagréable d’enfoncer des portes ouvertes.
Il est curieux cependant d’observer comme, pour échapper à l’ennui de tourner dans le cercle étroit des actions habituelles où ils ne trouvent vraiment plus grand-chose à glaner, pris du désir propre à tout romancier de conduire leurs lecteurs vers des régions inconnues, hantés malgré tout par l’existence des "endroits obscurs", mais toujours fermement persuadés que l’acte seul les révèle, ils poussent leur personnage à accomplir des actions insolites et monstrueuses que le lecteur alors, confortablement installé dans sa bonne conscience et ne retrouvant dans ces actes criminels rien de ce qu’il a appris à voir de ses propres conduites, considère avec une curiosité orgueilleuse et horrifiée, puis écarte paisiblement pour retourner à ses moutons, comme il fait chaque matin et chaque soir après avoir lu les faits divers des journaux, sans que l’ombre épaisse qui baigne ses propres régions obscures en ait été un instant dissipée. »
« Ce sont ces gros mobiles, ces vastes mouvements très apparents et eux seuls, que voient d’ordinaire les auteurs et les lecteurs, entraînés dans le mouvement de l’action et talonnés par l’intrigue, des romans behavioristes. Ils n’ont ni le temps ni le moyen – ne disposant d’aucun instrument d’investigation assez délicat – de voir avec exactitude les mouvements les plus fugitifs et les plus fins que ces grands mouvements pourraient dissimuler.
Ainsi comprend-on la répugnance qu’éprouvent ces auteurs pour ce qu’il nomme l’ "analyse", qui consisterait pour eux à montrer ces grands mobiles bien visibles, à mâcher ainsi à leurs lecteurs une besogne déjà trop facile et à se donner eux-mêmes l’impression désagréable d’enfoncer des portes ouvertes.
Il est curieux cependant d’observer comme, pour échapper à l’ennui de tourner dans le cercle étroit des actions habituelles où ils ne trouvent vraiment plus grand-chose à glaner, pris du désir propre à tout romancier de conduire leurs lecteurs vers des régions inconnues, hantés malgré tout par l’existence des "endroits obscurs", mais toujours fermement persuadés que l’acte seul les révèle, ils poussent leur personnage à accomplir des actions insolites et monstrueuses que le lecteur alors, confortablement installé dans sa bonne conscience et ne retrouvant dans ces actes criminels rien de ce qu’il a appris à voir de ses propres conduites, considère avec une curiosité orgueilleuse et horrifiée, puis écarte paisiblement pour retourner à ses moutons, comme il fait chaque matin et chaque soir après avoir lu les faits divers des journaux, sans que l’ombre épaisse qui baigne ses propres régions obscures en ait été un instant dissipée. »
limbes- Messages : 640
Date d'inscription : 05/06/2008
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