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Question critique

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Message par edmond Gropl Ven 24 Juil - 23:50

Un bon article dans "le canard enchainé" de cette semaine, article élogieux qui devrait doper les ventes de cet excellent Antonin Varenne.


Dernière édition par stalker le Sam 1 Aoû - 15:58, édité 2 fois (Raison : Posts déplacés depuis la critique du roman "Fakirs", d'Antonin Varenne)
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Message par hoel Ven 31 Juil - 17:57

Et pas que dans le Canard. Beaucoup de bonnes critiques (voire excellentes) à droite à gauche, sur la toile notamment.
Du coup j'ai pas résisté. Je viens de me le prendre et le lirai dans les prochaines semaines.
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Message par Varg Ven 31 Juil - 20:26

hoel a écrit:Et pas que dans le Canard. Beaucoup de bonnes critiques (voire excellentes) à droite à gauche, sur la toile notamment.

Hum... Comme je trouve qu'il y a beaucoup d'effet mimétique entre les blogs (quand ce n'est pas carrément du plagiat !) je me méfie quand même de l'unanimisme ambiant. Surtout des blogs qui se refusent à parler des livres "qu'ils n'apprécient pas" et donc qui ne font pas vraiment de travail critique. Et qui ne disent jamais quand ils font ou pas du service de presse.

Cela n'enlève rien à l'éventuelle qualité littéraire de ce bouquin.
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Message par hoel Sam 1 Aoû - 15:06

Varg a écrit:Hum... Comme je trouve qu'il y a beaucoup d'effet mimétique entre les blogs (quand ce n'est pas carrément du plagiat !) je me méfie quand même de l'unanimisme ambiant. Surtout des blogs qui se refusent à parler des livres "qu'ils n'apprécient pas" et donc qui ne font pas vraiment de travail critique. Et qui ne disent jamais quand ils font ou pas du service de presse.

Je ne sais pas si l'endroit est très approprié (si un modérateur veut déplacer le message, pas de souci) mais je profite de cette amorce de réflexion de Varg pour rebondir. Je me permets de répondre à ces points intéressants en partant de mon expérience personnelle de lecteur/blogueur.

Je pense qu'il arrive qu'il y ait du "mimétisme" (des ressemblances dans les choix de lecture en somme, si je comprends bien) et je l'assume totalement.
J'aime beaucoup certains blogs de "collègues" (Actu-du-noir, Moisson noire...) qui sont très prescripteurs, donc forcément, je pioche des idées de lecture à X et Y (mais je ne vois pas où il pourrait y avoir un problème là dedans, si ce n'est que par effet de ricochet pas mal de gens vont lire les mêmes livres et, revers de la médaille, passer à côté d'autres, peut-être au moins aussi intéressants).
Parfois il s'agit de coïncidences (on a souvent les mêmes affinités littéraires entre blogs de polars) parfois je prends vraiment conseil sur un de ces blogs (ou bien c'est les autres, tout dépend de qui dégaine le premier).

Effectivement, je ne chronique pas beaucoup de livres que je n'apprécie pas (les très mauvaises critiques doivent se compter sur les doigts d'une main après deux années d'existence du blog). Pourquoi ? Tout simplement parce que j'essaie de choisir des livres qui vont me plaire (tant qu'à faire). Et, heureusement, j'ai la chance de (très) rarement me tromper. Il y a tellement de bons livres que je ne vais pas m'amuser à en lire de mauvais juste pour rééquilibrer mes chroniques. Pourtant j'ai l'impression de faire un vrai travail de critique (amateur certes mais quand même). Est-ce incompatible ? Faut-il nécessairement descendre des livres pour devenir un "vrai critique" (j'extrapole volontairement le propos de Varg) ? J'ose espérer que non.

Concernant la question des services de presse. j'en recevais quelques uns pour mon blog, et beaucoup plus désormais (depuis que je chronique aussi pour Polars Pourpres). Par contre, effectivement, je fais partie de ceux qui n'annonce pas quels livres sont des SP et lesquels n'en sont pas. Personnellement je n'en vois pas absolument pas l'intérêt pour le lecteur du blog mais je serais curieux de connaître la raison de ton choix Varg (j'ai vu sur ton site que tu appliquais tes préceptes).
Je n'en vois pas l'utilité parce que je reste libre de mes critiques. La grande majorité des SP que j'obtiens le sont à la carte (sur ma demande) et rarement sur l'initiative des éditeurs. De plus un éditeur sait lorsqu'il envoie un SP qu'il prend un (petit) risque. Il peut s'attendre à une bonne critique (c'est ce qu'il espère, l'envoi n'est pas gratuit et il faut bien qu'il ait un intérêt à le faire) mais il doit également être conscient qu'une critique peut-être mauvaise.
Je chronique bien la production de certains éditeurs plus que d'autres (Rivages, Série Noire, Métailié, Moisson Rouge, Sonatine, Diable Vauvert...) tout simplement parce que j'aime généralement ce qu'ils font, ce qui ne veut pas dire que je ne ferai pas de mauvaise chronique lorsqu'un de leurs livres me déplaira.
Autre reproche souvent formulé aux chroniqueurs (tu ne l'as pas abordé), et bien que j'aime bien la phrase d'Oscar Wilde ("Je ne lis jamais un livre dont je dois écrire la critique ; on se laisse tellement influencer."), les livres chroniqués sur mon blog sont lus de A à Z. Je ne comprends pas qu'on puisse chroniquer un livre sans l'ouvrir ou en la parcourant en diagonale.

A propos de cette volonté de sérieux, d'objectivité, d'indépendance... il s'est lancé il y a peu, sur l'initiative de Claude Mesplède le réseau de blog Serial-Kronik qui "fédère des chroniqueurs indépendants, désireux d'informer avec objectivité et passion sur le Roman noir et le polar". Je trouve cette démarche intéressante et j'apprécie les blogs membres, aussi j'espère bien en faire partie.

Enfin, pour l'anecdote, et pour revenir un peu au sujet de conversation initial (quand même), mon exemplaire de Fakirs n'est pas un SP mais un achat, ce qui comme dans l'autre cas n'empêchera ni bonne ni mauvaise critique, vous l'aurez compris.

Voilà qui est dit.
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Message par Varg Sam 1 Aoû - 18:11

Je n'ai pas le temps de répondre au fond sur cette très intéressante contribution d'Hoel. Il faudra attendre demain j'en ai peur... En vrac pour l'instant...

Je dirais rapidement que le mimétisme n'est pas que dans le choix des livres (mais il l'est aussi beaucoup, et c'est plutôt dommage) mais aussi dans la façon de chroniquer.

Oui, le fait de ne dire que du bien de livres ou d'éditeur que l'on aime est un vrai problème critique parce que j'ai besoin de savoir qui est le gars en face qui me cause d'un auteur. Et on est effectivement autant défini par ce qui nous plait que par ce qui nous déplait... Et puis, le travail critique s'adresse aussi aux éditeurs et éventuellement aux auteurs :

«La première tâche d’un critique est de dispenser les lecteurs de lire de mauvais livres. La deuxième est de dissuader d’écrire les mauvais écrivains.»

Quant au Service de Presse, qui permet de remplir sa bibliothèque à bon marché, beaucoup (pas seulement dans le domaine du polar) de bénéficiaires ne sont pas disposés à s'en passer. Alors ils passent au mieux un pavé tiéde qui satisfait les deux parties...

D'autant que ne pas signaler ces services de presse permet de cacher les copinages éventuels (ils existent évidemment) entre blogueurs, auteurs et éditeurs...

L'initiative Serial Kronik, destinée à donner un label honorable à un certain nombre de sites, commence par rassembler des blogs qui échappent à toute contrainte formelle (des copains, des larrons ?) ce qui ne sera pas le cas de ceux comme le tien qui adhèreront après, enfin une fois que les copains auront estimé ceux qui en sont dignes, eux l'étant par définition (et dans ceux là, il y un plagieur récidiviste et, je crois, beaucoup d'eau tiède, quelques copinages possibles...)

Voilà pour mon vrac, j'y reviens demain.
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Message par hoel Sam 1 Aoû - 18:58

Merci pour ce vrac.
J'attends donc la suite promise avant de répondre !
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Message par edmond Gropl Sam 1 Aoû - 21:43

Je souscris entièrement à ce que dit Varg.
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Message par Varg Dim 2 Aoû - 13:58

En route.

Je vais essayer d'abord de sérier les problèmes que soulèvent le thème et ma petite saillie de vendredi. Constater le mimétisme des groupes de blogs parlant de livres est une chose – j'allais dire une évidence – (l'intéressante initiative de Catherine concernant La littérature policière sur les cinq continents permet de mesurer certains éléments dont je parlerai par la suite), tenter d'en comprendre le mécanisme en est une autre, bien plus complexe.

Ensuite, se pose la question centrale de la critique, que l'on ne peut évacuer d'un simple post et qui nécessitera sans doute une stratégie d'encerclement, même pas pour être réduite, mais au moins définie.


Préambule
La création de points de vue unanimes est un effet renforcé par le web. Notre grégarité nous pousse à nous assembler avec nos semblables parce que ces derniers permettent, en premier lieu, de valider nos propres choix, qui ne sont jamais acquis tant qu'ils ne sont pas partagés. Même si je développe une position que j'estime (en fait que je souhaite) originale, par exemple déviant du courant de pensée principal, j'ai besoin qu'elle soit validée par le regard d'autrui (pas forcément dans une procédure d'approbation, mais au minimum dans une prise en compte).

C'est l'histoire très bête de la marque de chaussures ou de vêtements qui joue sur le désir d'individuation des clients tout en les poussant à tous acheter la même chose. Si je suis seul à porter leur bermuda fluorescent à une jambe siglé Paris Hilton je peux être totalement ridicule, hors mode. Quand nous sommes cent à le porter, ceci confirme que le choix initial était le bon, créant le bonheur d'avoir été le premier à le faire et parallèllement la frustration de ne plus être le seul, d'être « suivi ». Le mépris accordé aux suiveurs est un carburant suffisant pour sortir de ce qui est devenu le tout-venant pour rechercher une nouvelle position originale... qui ne le deviendra que lorsqu'elle sera validée par autrui qui lui fera alors perdre tout caractère d'originalité. Etc.

Dostoïevksi et ses « Carnets du souterrain » ont dit depuis longtemps les souffrances et tourments qui sont ceux de l'homme réellement à l'écart du monde (invisible à autrui susceptible de valider son existence) alors que le monde pousse de plus en plus l'individu vers cet isolement. Le web 2.0 a été une réponse technologique, permettant à des isolés de hurler qu'ils sont là ou bien de se regrouper en isolats partageant par définition un certain nombre de valeurs. Le web 2.0 a été aussi une expérience traumatisante pour beaucoup parce que leur effort d'exposition sur la Toile n'était pas payé en retour – statistiques de fréquentation vides, absence de messages derrière les posts, etc. – ce qui peut, en soi, être le signal de leur propre insignifiance, médiocrité. Bien évidemment, tout le contraire du but visé au départ.

Beaucoup de personnes ne sont pas capables de vous expliquer à quoi leur servent les sites de réseaux sociaux style Facebook à part savoir qu'ils sont connus et appréciés par ceux qui se déclarent leurs amis. Il n'y a d'ailleurs pas de nécessité que cette affection soit réelle. Elle doit seulement être déclarée et plus elle est nombreuse, plus elle semble donner du prestige à celui à qui elle s'adresse.Notre présence sur le Web est essentiellement narcissique mais il faut savoir l'accepter et surtout mesurer ce que nous en faisons.

Du web 2.0
Certains trouveront leur accomplissement en réunissant autour d'eux un forum à xx xxx participants parlant d'un thème particulier, ou de tout et de rien, d'autres un forum de xx personnes à haut niveau d'échanges. Certains se contenteront d'un blog littéraire d'une médiocrité insigne mais dont la popularité, due aux polémiques créées par cette médiocrité, attire un grand nombre de personnes et de commentaires ironiques ou fielleux, leur nombre ainsi que celles des visites assurant le blogueur d'une renommée ainsi usurpée / injustifiée (par exemple Wrath). D'autres écriront des blogs tellement consensuels qu'ils attireront nombre de commentaires forcément d'accord avec eux (la grande majorité des blogs dits "littéraires"), tout aussi vagues que le texte de départ et souvent de pur affect.

Ce qui compte le plus dans le web 2.0, ce sont les commentaires et les liens que l'on peut faire vers votre travail parce que cela veut apparemment dire que celui-ci à un sens, une valeur et, par extension, que vous êtes quelqu'un de valeur (parce que ce n'est toujours que de cela que l'on parle). Faire partie des blogs qui comptent, des blogs qui ont une influence devient un but existentiel vertigineux qui affecte bien des blogueurs (mais on leur dit qu'à moins de 50 commentaires par post et 2000 vues uniques par jour, ils ne sont pas sérieux).

Le consensuel marchant mieux que le provocateur et « ce dont les autres parlent » mieux que « le sujet ancien n'attirant pas les foules », expliquent sans doute la concentration des thèmes dans les blogs. On va parler des mêmes choses (par exemple des mêmes livres), parce que c'est ce qui fait le buzz du moment. Et on va le faire très souvent dans le même sens que les autres (avec qui on a une "communauté de valeurs") pas seulement parce que leur opinion nous a influencé, mais surtout parce que le consensus valide notre propre prise de position. Un nombre important de blogs de livres (et donc de polars) proposent des "critiques" (en fait des avis sur des livres) qui se terminent par : « allez voir ce qu'en pensent untel ou untel (sous entendu, s'ils disent la même chose que moi, c'est que j'ai raison...) »

C'est souvent un échange de bons procédés, la fois suivante le deuxième blog renverra vers le premier, et voilà comment se constituent des réseaux de connivence qui n'ont même pas besoin d'être convenus ; ils sont implicites. Ils se renforcent même au sein des commentaires que laissent les visiteurs, qui sont eux-mêmes très souvent des auteurs de blogs et qui attendent, par leur participation au consensus, une réciprocité qui leur fait rarement défaut. A croire que les auteurs de blogs sur des livres ne s'adressent qu'à des auteurs de blogs sur les livres. En fait, c'est de cela qu'il s'agit en partie et c'est de cette fascination pour celui qui fait la même chose que vous que vient le mimétisme.

On comprend alors tout l'intérêt qu'il y a à être « le premier à dégainer » sur la chronique d'un livre – ceci représente la chance éventuelle d'être le suivi plutôt que le suiveur –, à la condition évidente que les autres jouent le jeu. Comme il s'agit d'un « je te tiens, tu me tiens par la barbichette » ils le font, d'autant plus qu'ils estiment se situer mal dans l'échelle hiérarchique symbolique imaginaire de leurs rapports sociaux avec les autres blogueurs. La course à la première chronique rend donc d'autant plus stratégique l'obtention – et le maintien – de service de presse auprès des éditeurs et l'éventuelle docilité éditoriale que ceux-ci impliquent.

Du mimétique (reprise lundi 3 août 2009)

L'emballement mimétique n'affecte principalement que les rivaux. Comme le souligne Hoel : quelle importance finalement que nous soyons des dizaines de blogs à commenter les mêmes livres ? Bon Hoel se rend compte quand même qu'il y a un problème concernant la diversité des lectures puisqu'ainsi, on ne parle que d'une minorité de livres et pas de ceux qui pourraient être découverts et être aussi intéressants (notons le "aussi", car je vais y revenir) que ceux dont tout le monde parle. Mais cela ne semble avoir que peu d'importance finalement.

En fait, parler tout seul d'un livre ou d'un auteur excellent que l'on aurait découvert pose des problèmes de logistique intellectuelle et pratique énormes dont nous avons déjà en partie parlé. Le premier est le nombre vertigineux de livres à lire avant de trouver vraiment le diamant dont on peut être fier de parler. Il faut du temps, beaucoup de temps, ou alors ne pas être difficile... Le second est l'absolue incapacité pour la plupart de ses lecteurs / blogueurs d'apprécier, seuls, la qualité du livre qu'ils lisent. Sauf s'ils sont un faux nez de maisons d'édition qui, imperturbablement, tous les deux jours, assènent – en se faisant passer pour des lecteurs/blogueurs / lectrices/blogueuses comme les autres – une chronique systématiquement positive sans autre argument que le « c'est très bon. Oui les filles, mettez-le dans votre PAL », les blogueurs ont beaucoup de mal à savoir si ce qu'ils ont lu en dehors des sentiers battus est intéressant ou pas (d'où le genre d'appel en fin de billet « qu'en pensent les autres blogueurs ? »).

Même quand ils disent « J'ai aimé », surtout quand ils ne disent pratiquement que cela, ils doutent, au moins jusqu'à ce que quelqu'un d'autre leur disent : « Moi aussi ». Mais il faut encore que ce quelqu'un d'autre vienne sur le blog, s'intéresse – passé, présent ou avenir – au même livre et, surtout, qu'il l'apprécie (c'est-à-dire qu'il confirme que l'on ne s'est pas trompé). Cela fait beaucoup de tensions et d'incertitudes pour des egos en mal de reconnaissance et d'amour, surtout que, pendant ce temps là, les autres n'ont pas ces scrupules, ils continuent tous de parler des mêmes choses et de se visiter les uns les autres pour se dirent à quel point ils sont contents et intelligents de lire d'aussi bons livres. Alors, bon, autant parler de ce dont tout le monde parle, au moins a-t-on immédiatement un sentiment d'appartenance...

Un autre problème du blog, mais aussi son avantage (pour le blogueur), c'est l'immédiateté et cette sensation que l'on essaie de vous donner que la parole se situe dans l'urgence absolue, qui impose un nouveau billet tous les deux ou trois jours. Pour les blogs d'actualité j'ai déjà du mal mais pour les blogs de livres, c'est incompréhensible en termes d'intelligibilité et de contenu, sauf à sacrifier l'une et l'autre. En fait l'immédiateté permet de travailler sans aucune mémoire et pratiquement toujours au niveau de l'affect : la plupart des billets de blogs se contentent d'être des resucées plus ou moins réussies de la quatrième de couverture (ou du dossier de presse) – quand ce n'est pas un résumé complet du livre qui dispense le visiteur totalement de le lire – et quelques appréciations qui font hurler stalker quand on les utilise sur Noir Bazar, du genre « j'aime/j'aime pas, génial wiizzz, les filles le grand choc de l'année, un thriller redoutable d'efficacité, les personnages sont très biens rendus, etc. ». Il n'y a qu'à se ballader quelques instants dans le défi des cinq continents pour le constater.

Travailler sans mémoire veut bien entendu dire que l'on peut prétendre à chroniquer des livres sans autre qualité que son propre ressenti (plus ou moins influencé par les rivaux), par rapport à ce seul livre dont on parle. Je reviendrai sur cette question quand il sera question de la critique. Mais cela banalise tout à fait les billets produits, qui finissent par se ressembler tous, forme et fond, entre blogs et à l'intérieur d'un même blog. A un moment donné donc, le système des blogs avec ses liens croisés, ses commentaires croisés, ses contenus rédactionnels similaires ne produit plus que du même. Or il n'y a pas pire que l'indifférenciation, les rivaux le savent bien et vont chercher tous les moyens pour, de nouveau se différencier. C'est là que vient se placer l'initiative Serial Kronik et c'est là que j'ai commencé à m'intéresser à la question des blogs et sites de polars, que je ne visitais qu'à l'occasion et après avoir pris soin d'éliminer de ma tournée les plus redondants et les plus roublards.

Travailler sans mémoire et sans véritables outils et volonté critiques permet également de croire que tous les livres et auteurs dont on parle sont bons (c'est une composante de l'effet "bisounours" des blogs), sans distinction et sans hiérarchie, ce qui permet ensuite de fantasmer sur ses propres capacités à détecter les bons livres et les bons auteurs. Hoel dit qu'il se trompe rarement, il a de la chance ou il rêve. Je lis du polar depuis 45 ans (mes débuts, le juge Ti à huit ans) à raison d'une centaine de livres par an en moyenne et je continue de lire pas mal de mauvais livres, la plupart passables et quelques raretés époustouflantes, et je sais dire pourquoi selon un système critique différencié fondé sur la mémoire, de ce qui s'est passé avant et après l'écriture du roman que je lis, dans la filière romanesque comme dans l'histoire du monde. Mais cela, je ne le fais que depuis trois ans* et en écartant de mon propos des livres ou auteurs dont je me sens pas capable de parler.

« Je remarque, à force de fréquenter les sites de polardeux, la forte émergence d'une catégorie d'auteurs : ceux qui ne lisent pas, qui ne connaissent rien à leurs collègues de plume, contemporains ou illustres prédécesseurs. Leur inculture est dommageable, s'ils avaient un peu lu, sans doute qu'ils auraient quand même hésité à publier, ou fait des efforts. Ça fait quand même baisser le niveau général du polar et ça fait aussi que je ne peux plus me rendre sur des festivals de polar (à part Frontignan), je souffre trop. »

Ce qu'edmond gropl disait des auteurs dans un précédent fuseau consacré – déjà ! – à l'édition et à la critique peut être adapté sans efforts aux chroniqueurs web 2.0 de livres.

* J'ai un site sur le web depuis 1996 et mes premières pages furent consacrées à mes lectures : Abattoir 5 et Le Breakfast du champion de Vonnegut, La pêche à la truite... et Willard et ses trophées de bowling de Brautigan, Trinités de Nick Toshes et j'ai oublié les autres. J'ai retiré ces pages au bout de trois semaines parce que je me suis rendu compte que malgré tout mon passé de lecteur je n'étais pas encore capable d'en parler vraiment...


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Message par Varg Lun 3 Aoû - 12:19

Je vais arrêter là pour l'instant, la tartine étant un peu grosse et, je l'espère, pas trop indigeste.
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Message par edmond Gropl Lun 3 Aoû - 17:07

C'est tres interessant. C'est un sujet à developper, ce pourait être le sujet d'une étude complète. Il y a énormément d'élements à prendre en compte pour approcher ce phénomène de critique-blogueur polardeux ( pour se cantonner à cela car les idées presentées dépassent le sujet abordé). C'est un vaste travail, une grosse tartine, je suis sur que vont éclore de nombeuses thèses universitaires sur ce sujet ( sujet en mouvement).

Ce qui me frappe c'est ce paradoxe entre la multitude de sites, de blog sur le polar et la faiblesse du débat. Il y a très peu de confrontations d'idées alors que c'est ça qui est enrichissant.
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Message par Varg Lun 3 Aoû - 19:21

edmond Gropl a écrit:Ce qui me frappe c'est ce paradoxe entre la multitude de sites, de blog sur le polar et la faiblesse du débat. Il y a très peu de confrontations d'idées alors que c'est ça qui est enrichissant.

Je crois que le medium y est – en partie – pour quelque chose. Je trouve que le blog n'est pas adéquat pour des confrontations de fond, il y a quelque chose de profondément jetable dans sa forme (pour des billets rapidement obsolètes) et de profondément superficiel dans les possibilités de commentaires.

L'absence de perspective critique ou même simplement éditoriale est sans doute une autre raison d'importance.
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Message par stalker Lun 3 Aoû - 19:44

Ta tartine est un terrain jonché de trappes à ouvrir et à explorer pour les développer, Varg. Comme le dit Gropl, je pense aussi qu'il y a là matière à thèse ; tout du moins à étude approfondie. Le web 2.0 est encore tout récent et il ne cesse de fructifier chaque jour. Il est en devenir, non seulement parce qu'il se perfectionne, mais aussi parce qu'il s'intensifie en terme de quantité.

Par ailleurs, la question de la critique ne se pose que rarement dans le contexte dont on parle. On ne critique pas : on donne une opinion. Et la rareté des débats dont parle Gropl est tout simplement due au fait que beaucoup de blogs ou de forums publics n'offrent que des successions d'opinions négatives ou positives (ou perplexes). Souvent, dépasser la phase de l'opinion consiste juste à développer le synopsis à sa sauce perso et à copier-coller ensuite (en guise de conclusion) une sélection des termes passe-partout dont on parle ailleurs, et qui ne font que survoler de très haut les seuls points de l'intrigue, des personnages et de la chute.
Point barre.
Parfois, un épilogue à la chronique va nous citer deux ou trois titres de bouquins comparables à celui qui vient d'être chroniqué.
C'est la bête reproduction d'un moule, ou d'un schéma. Résultat : toutes les chroniques se ressemblent puisqu'elles sont bâties selon le même plan, organisées exactement de la même façon. C'est rassurant et c'est conforme, tant pour celui qui écrit que pour celui qui lit. Il n'y a pas de prise de risque, ni d'ailleurs de risque de dérouter le lecteur ; de perturber ses habitudes. Résultat : très peu de ces chroniques incitent à dépasser le cap de leur seule lecture, tout simplement parce qu'elles ressemblent à toutes les autres, sont moulées pareilles, avec le même vocabulaire.

On ne s'en rend pas forcément compte, mais ce phénomène entraîne avant tout une rareté de l'étonnement.
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Message par stalker Lun 3 Aoû - 19:55

Varg a écrit:

L'absence de perspective critique ou même simplement éditoriale est sans doute une autre raison d'importance.
Concernant la perspective critique (ce qu'elle implique en terme d'argumentation et d'objectivité), je pense qu'elle est tout simplement absente d'une écrasante majorité de blogs, de forums et de sites constitués de chroniques de livres. Lorsqu'elle intervient, elle agit plutôt comme un répulsif aux yeux des visiteurs qui n'attendent qu'un moment de plaisir et de détente de la lecture d'un livre ou de la découverte d'un film.
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Message par stalker Lun 3 Aoû - 19:59

On pourra me reprendre au sujet de l'objectivité, mais je pense qu'une critique digne de ce nom, qui aborde le livre en tant que tel et non en tant que simple objet capable de procurer le plaisir du lecteur, doit tendre vers un maximum d'objectivité. Elle n'est jamais tout à fait totale, bien sûr, mais on peut tendre vers, histoire de ne pas pourrir un commentaire avec des opinions personnelles qui ne regardent que celui qui les rédige - lui et ses potes.
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Message par stalker Lun 3 Aoû - 20:03

J'ajouterais que le phénomène du web 2.0 est une émanation logique dans une société où chacun semble (semble) en droit de dire ce qu'il pense. Qu'il s'agisse d'un ignare ou d'un individu qui travaille sur un sujet depuis 20 plombes et commence à en connaître les ficelles : le premier est en mesure de contredire le second, même sans arguments. Et si le second a le malheur de suggérer publiquement au premier que c'est un ignare, c'est l'ignare qui l'emporte.
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Message par Varg Lun 3 Aoû - 23:42

J'ai encore beaucoup de mal à percevoir ce que pourrait être, ce que devrait être la critique de livres. J'ai du mal également à en penser l'objectivité même si bien évidemment, plus l'approche d'un livre est objective, plus la critique ou l'avis qui en sort est neutre par rapport au travail de l'écrivain.

Je ne suis tout simplement pas certain que le livre, le mot, l'écrit, mérite l'objectivité parce que certains auteurs et certains livres ont besoin que l'on se batte pour eux bien au delà de la neutralité d'un compte rendu portant sur le style, la construction narrative ou la langue. C'est de la chair bordel !, c'est de la vie ! et certains livres méritent d'être aimés coûte que coûte, y compris dans la mauvaise foi, et donc surtout dans le subjectif...

Pas facile...

stalker a écrit:J'ajouterais que le phénomène du web 2.0 est une émanation logique dans une société où chacun semble (semble) en droit de dire ce qu'il pense. Qu'il s'agisse d'un ignare ou d'un individu qui travaille sur un sujet depuis 20 plombes et commence à en connaître les ficelles : le premier est en mesure de contredire le second, même sans arguments. Et si le second a le malheur de suggérer publiquement au premier que c'est un ignare, c'est l'ignare qui l'emporte.
Cela rejoint ce que disait Nolleau dans la table ronde au Salon du livre. Si tout le monde est critique où est le critique (celui qui pose les différences, parce que c'est peut-être cela finalement son rôle principal, la discrimination ?)
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Message par Varg Mar 4 Aoû - 0:17

stalker a écrit:Concernant la perspective critique (ce qu'elle implique en terme d'argumentation et d'objectivité), je pense qu'elle est tout simplement absente d'une écrasante majorité de blogs, de forums et de sites constitués de chroniques de livres. Lorsqu'elle intervient, elle agit plutôt comme un répulsif aux yeux des visiteurs qui n'attendent qu'un moment de plaisir et de détente de la lecture d'un livre ou de la découverte d'un film.

Je crois qu'il y a un espace pour la critique mais qu'il est postérieur à la lecture ou au visionnement d'un film. Cette critique n'est donc pas prescriptrice d'achat de ce livre ou de ce film (mais peut-être des suivants de l'auteur) et elle ne fait que permettre le partage, autour d'un espace de compréhension nourri par l'œuvre, d'apports intellectuels et de perspectives que nous, lecteur ou amateur de cinéma, ne possédons pas obligatoirement. Dans ce cas, cette dimension éditoriale n'est pas répulsive.

Maintenant, nous connaissons tous des revues, par exemple de cinéma, qui possède une ligne éditoriale particulière qui fait qu'on lit celle-ci plutôt que celle-là. Ce qui n'empêche pas, dans celle-ci qui a nos préférences, de ne pas adhérer à telle critique singulière... C'est quelque chose qui est totalement absent des blogs littéraires, à part peut-être l'excessif Stalker, dissection du cadavre de la littérature.
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Message par stalker Mar 4 Aoû - 1:04

Entièrement d'accord avec toi en ce qui concerne la chair et la vie.
Mais je pense qu'il s'agit là de contenu. Une critique dénuée de chair est un papier exsangue, et son auteur une caillasse ou un intello chiant à mourir.

Une critique digne de ce nom, outre le fait, à mon sens, qu'elle doit dégager des idées objectives, se doit bien sûr de s'engager et non de demeurer à distance, neutre - insensible, hermétique ou quelque chose comme ça. Mais je souhaitais marquer une opposition de façon nette en parlant d'objectivité : entre des critiques argumentées, construites (ou déconstruites), réfléchies ; et des commentaires de bloggeurs qui se plagient les uns les autres, et tournent en boucle dans un aquarium de vocabulaire limité, précisément dénué de chair et de vie et de tripes, mais bien conforme en revanche.

Cela dit, les critiques dont je parle, sans en citer d'exemples, ça m'impressionne toujours. Je pense surtout à celles que je trouve dans le registre de l'art contemporain, mais celui de la littérature aussi, en fonction des registres. Je pense aussi au cinéma. Pour ma part, je n'ai pas très envie de m'y frotter, dans le sens où je n'ai pas l'ambition de prétendre à "critiquer" à cette échelle-là. Mais puisqu'on est sur un forum animé d'individus sensibles faits de chair et d'esprit, je dirais que si je n'avais jamais mis mon nez dans les pages de revues spécialisées, depuis quelques plombes à présent, j'en serais peut-être resté à un niveau qui me pousserait à employer des expression bateau pour parler d'un polar (je ne vais les citer encore, ces expressions à la con ; ça fait quatre ans que je les cite sur des forums).

La question à se poser est peut-être toute simple : A-t-on le temps, l'envie, les dispositions, la nécessité profonde de creuser un sujet, de le disséquer, ou au moins de dépasser le stade de l'approche minimum (intrigue, personnages, chute - accessoirement rapport à une situation sociale et politique de surface : la gauche, la droite) pour soulever les strates visibles et ne pas en rester là - choisir de désigner la culture non pas comme un objet de divertissement, mais comme un ensemble de travaux susceptibles d'orienter notre propre existence, de modifier nos convictions, de changer notre vie ?
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Message par stalker Mar 4 Aoû - 4:28

Au sujet de la discrimination, le problème c'est qu'on l'étire à volonté, comme ça nous arrange. N'importe quel regard porté sur un sujet impliquant la notion de différence risque fort de tomber entre les griffes de la discrimination. Il y a peu de questions qu'on peut véritablement soulever sans s'exposer dorénavant au phénomène. Les possibilités de débats sont limitées parce qu'on ne peut pas aller au bout des idées qui animent un débat par définition. Si tu as le malheur de faire une allusion susceptible de discriminer qui que ce soit, tu es dans le rouge. Et le fond de ton idée s'évapore sous le poids des bonnes consciences qui, au lieu de tenir compte de l'idée elle-même, s'en prennent au déraillement que tu viens d'effectuer en discriminant ou en étant sur le point de le faire. On te fait les gros yeux et tu t'en tiens là, parce que ta peau est en jeu, presque. Parce que la pensée a ses limites.
Il faut donc niveler ses pensées, sélectionner les mots qu'on emploie, en mesurer la portée avant de les écrire, bannir ceux qui pourraient s'engager dans le champ adverse de la bonne morale ambiante et de la tiédeur, ne pas prendre ce risque-là (on ne nous lirait pas jusqu'au bout ; on ne retiendrait que les termes douteux ou engagés). Il faut s'arrêter à mi-chemin d'une idée, c'est préférable. Nivelons donc.
Et tant qu'à faire, soyons cool et sympa.
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Message par Varg Mar 4 Aoû - 10:05

stalker a écrit:Une critique digne de ce nom, outre le fait, à mon sens, qu'elle doit dégager des idées objectives, se doit bien sûr de s'engager et non de demeurer à distance, neutre - insensible, hermétique ou quelque chose comme ça. Mais je souhaitais marquer une opposition de façon nette en parlant d'objectivité : entre des critiques argumentées, construites (ou déconstruites), réfléchies ; et des commentaires de bloggeurs qui se plagient les uns les autres, et tournent en boucle dans un aquarium de vocabulaire limité, précisément dénué de chair et de vie et de tripes, mais bien conforme en revanche.
En lisant ton propos, je repensais à un livre récent que j'ai chroniqué et qui échappait plutôt, tant à la lecture qu'à la chronique, à toute tentative argumentée de le saisir. Il était tombé comme un moment de pur plaisir, de pur délassement par rapport à des œuvres justement très construites. L'auteure nous laissait libres, comme je l'ai dit, de nous y ennuyer ou d'y construire l'histoire que nous souhaitions. Alors, évidemment, dire cela c'est déjà proposer une approche réfléchie du roman mais peut-être certains livres ne demandent pas une « critique argumentée, construite, réfléchie » mais le seul constat du plaisir que l'on prend à les lire ? Et le polar, en genre mineur qu'il était, serait alors plus sujet à une approche dilettante ?


stalker a écrit:Cela dit, les critiques dont je parle, sans en citer d'exemples, ça m'impressionne toujours. Je pense surtout à celles que je trouve dans le registre de l'art contemporain, mais celui de la littérature aussi, en fonction des registres. Je pense aussi au cinéma. Pour ma part, je n'ai pas très envie de m'y frotter, dans le sens où je n'ai pas l'ambition de prétendre à "critiquer" à cette échelle-là. Mais puisqu'on est sur un forum animé d'individus sensibles faits de chair et d'esprit, je dirais que si je n'avais jamais mis mon nez dans les pages de revues spécialisées, depuis quelques plombes à présent, j'en serais peut-être resté à un niveau qui me pousserait à employer des expression bateau pour parler d'un polar (je ne vais les citer encore, ces expressions à la con ; ça fait quatre ans que je les cite sur des forums).
Je suis entièrement d'accord. La réponse que l'on pourrait toutefois nous faire pourrait être « vous en faîtes bien du bruit pour si peu de choses... Ce n'est que du polar... »

stalker a écrit:La question à se poser est peut-être toute simple : A-t-on le temps, l'envie, les dispositions, la nécessité profonde de creuser un sujet, de le disséquer, ou au moins de dépasser le stade de l'approche minimum (intrigue, personnages, chute - accessoirement rapport à une situation sociale et politique de surface : la gauche, la droite) pour soulever les strates visibles et ne pas en rester là - choisir de désigner la culture non pas comme un objet de divertissement, mais comme un ensemble de travaux susceptibles d'orienter notre propre existence, de modifier nos convictions, de changer notre vie ?
Tout en étant lié bien sûr, ce que tu soulèves là mérite un fuseau à part entière. Ou peut-être ce que nous essayons de faire sur tous les fuseaux du forum est-il toujours déjà un début – maladroit, hésitant, en devenir – de réponse.
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Message par Varg Mar 4 Aoû - 10:42

Sur la discrimination
Je voyais cela comme une tentative d'ordonner la profusion chaotique de romans qui nous est proposée.

Même en se trompant, souvent en se trompant, le critique (je rappelle que je ne sais pas vraiment ce qu'il est) désigne l'auteur intéressant ou prometteur ou encore le livre à lire. Il ne le fait pas tel un demi-dieu ou un grand prêtre (enfin il ne le devrait pas mais la plupart fait cela malheureusement) mais tout simplement parce qu'on estime qu'il a :
1) Un don
2) Des compétences
3) Un savoir
4) Que cela à foutre
Rayez les mentions inutiles

C'est donc bien une histoire de bon grain et d'ivraie, donc une discrimination c'est-à-dire considérer que toutes les choses que l'on nous fait lire ne sont pas égales.

Quand je publie le cycle Kurt Wallander sur LVS, Mankell est considéré comme un écrivain formidable par tout le monde, d'autant qu'il vend ses romans par centaines de milliers dans toute l'Europe. Au regard de la littérature policière passée, au regard de la littérature nordique dans laquelle il s'insère, au regard des objectifs que l'auteur dit poursuivre, je dis que cette œuvre est plutôt médiocre et, qu'à l'intérieur de cette œuvre, on peut quand même raisonnablement sauver 1 roman et demi. Je dis surtout que les romanciers nordiques qui suivront vont surtout tout faire pour ne pas faire du Mankell (alors que les billets de blog et certains articles de journaux continuent systématiquement de se référer à lui quand ils évoquent un romancier du Nord).

Ce que j'ai fait, c'est simplement ordonner autrement le corpus mankellien et son importance dans la vision que j'ai du roman noir et du polar (qui serait "ma" ligne éditoriale) et qui est toujours à construire (parce que les écrivains n'arrêtent bien sûr pas d'écrire). Je discrimine donc, d'une autre façon, la production polardeuse telle qu'elle se présente à "mes yeux", à la fois sur des critères "objectifs" (Mankell écrit comme un cochon, il accumule les incohérences, il se répète d'un livre à l'autre, il finit par écrire le contraire de ce qu'il prétend défendre dans ses interviews) et subjectifs (il existe tout un tas d'auteurs nordiques bien plus intéressants et meilleurs écrivains que lui, il existe tout un tas d'écrivains du monde entier bien plus intéressants que 90% des auteurs nordiques dont on nous rebat les oreilles, il existe un tas d'écrivains du passé - proche ou lointain - qui ont déjà dit tout cela et en bien mieux).

C'est un peu dans ce sens que je voyais cette discrimination. Pas ostraciser un ou des auteurs mais tenter d'ordonner un chaos.
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Message par stalker Mar 4 Aoû - 13:44

D'accord, je comprends mieux ton intention.

Varg a écrit:(...) donc une discrimination, c'est-à-dire considérer que toutes les choses que l'on nous fait lire ne sont pas égales.

Il faut se mentir à soi-même et avoir tous les orifices sacrément bouchés pour ne pas reconnaître que cette histoire d'égalité, tous domaines confondus, est une invention et un leurre. Une invention qui voudrait priver la vie de reliefs, compresser la nature humaine et son potentiel, appauvrir l'existence, niveler les plaisirs.
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Question critique Empty Un peu de beurre sur ma tartine

Message par Varg Mer 5 Aoû - 1:56

Serial Kronik

Comme je l'ai dit précédemment, l'initiative Serial Kronik intervient à un moment :

1) où la profusion de blogs se consacrant ou pouvant se consacrer aux romans policiers crèe un large champ d'indifférenciation, toutes les chroniques de tous les blogs pouvant se valoir,
2) où la stratégie des éditeurs de multiplier les services de presse auprès de certains blogueurs permet à plus de personnes d'investir le discours sur les nouveautés et les sorties, faisant perdre leur avantage distinctif à des sites et surtout blogs (parce que ces derniers travaillent plus facilement dans l'instantané) dont c'était le "fond de commerce".

Dans le champ de rivalité mimétique, c'est toujours une question de survie de préserver une différence ou un temps d'avance ou quoi que ce soit qui montre que l'on n'est pas identique à la masse, c'est-à-dire rien d'autre que les autres. Cette différence est toujours de l'ordre du symbolique, rien ne la justifie hors le fait de vouloir dire / marquer que l'on n'est pas (comme) l'autre.

Quand on voit les raisons ayant présidé à la naissance du groupe Serial Kronik, on en est encore plus persuadé (toutes les citations sont tirées du blog Actu-du-Noir qui est le seul à parler de cette affaire).

« Il est apparu à l’initiative de l’incontournable Claude Mesplède, et suite au très contestable article paru dans la revue LIRE.

Claude qui avait été interviewé, et dont les propos n’ont finalement pas été retenus, ou si peu, a lancé l’idée de fédérer, au moins au moyen d’un petit logo qui permettent de les identifier, les sites zé blogs qui, en toute indépendance et honnêteté, entendent promouvoir le polar sous toutes ses formes. »


Décryptage : des pratiques journalistiques douteuses (celles de la revue papier Lire) obligent (?) un certain nombre de gens à organiser ce qui se dit sur le web en matière de polar. Le rapport entre la cause avancée et l'érection d'une barrière symbolique entre certains blogs et le reste du web n'existe pas du tout mais personne ne va le relever. Ce que vont voir tous ces lecteurs / blogueurs qui régulièrement alimentent de leurs commentaires – par exemple – le blog de Laherrère, c'est qu'ils sont désormais exclus du jeu, qu'ils sont du mauvais côté de la barrière qui vient d'être érigée et cela ne leur plaît qu'à moitié. Comment passer de l'autre côté, comment faire partie de cette noble alliance ? C'est le seul sujet de leurs angoisses.

Finissons de décrypter l'assez étonnant communiqué de naissance :
« Il est apparu à l'initiative de l'incontournable Claude Mesplède »
Espèce d'argument d'autorité lié au prestige de Mesplède dans certains cercles et qui permet d'asseoir la légitimité de la petite opération. Bon, moi je n'ai jamais lu Mesplède, j'ai pu vivre sans et apprécier le noir sans ses conseils et je considère qu'on peut intelligemment parler de polar sans être passé par son travail.

«...Suite au très contestable article paru dans la revue Lire »
Je me répète mais quel rapport avec ce qui se passe sur le web ? L'article en question – pas très bon en ce qui concerne le polar français, passable en ce qui concerne le polar nordique (mais rétablissant une vrai hiérarchie à partir de Sjöwall et Wahlöö que je n'ai guère vu de gens défendre jusqu'à ce jour) et très à la botte des attachés de presse s'agissant des livres à lire, mais il faut bien vivre – a fait l'objet d'un long billet plutôt correct de Laherrère sur son blog LIRE, dossier spécial Polars et un sur celui de son alter-ego Moisson Noire. Très sincèrement, ça ne mérite pas plus.

« Claude qui avait été interviewé, et dont les propos n’ont finalement pas été retenus, ou si peu »
Ah, là cela devient un peu plus intéressant. En fait, si on lance cette petite opération, c'est parce que le vilain journaliste n'a pas reconnu, apparemment, le statut d'incontournable à Mesplède ? C'est terriblement savoureux parce que, si la raison avancée ici est vraie, cela replace très clairement l'enjeu sur le terrain de l'ego de quelques personnes (ce dont je ne doute en aucun cas mais là, la démonstration n'est même plus à faire).

«...a lancé l’idée de fédérer, au moins au moyen d’un petit logo qui permettent de les identifier, les sites zé blogs qui, en toute indépendance et honnêteté, entendent promouvoir le polar sous toutes ses formes. »
On voit mal à nouveau le lien entre le premier membre de la phrase (la vexation mesplédienne) et le second (fédérer des blogs sous la bannière de la vraie croix ou un machin approchant, peu importe, c'est du symbolique) sauf s'il s'agit d'un numéro de prestidigitation. L'œil est attiré sur un événement qui a ému le Landerneau des blogs – le médiocre article de Lire – et on poursuit le vrai but ; établir, de façon discrétionnaire, une barrière entre eux et les autres.

Quelques sites et blogs vont donc s'associer sous un label censé donner à leurs poulets une traçabilité hors de tout soupçon (y avait-t-il raison de les soupçonner de ne pas être honnêtes et indépendants ? Amusant...)

Voici le serment de fidélité au roman policier et noir que prêtent les impétrants :

Le réseau Serial Kronik fédère des chroniqueurs indépendants désireux d'informer avec objectivité et passion sur le Roman noir et le polar.

C'est beau comme de l'antique. Ce que le serment de fidélité semble dire est que, si vous ne faites pas partie de ce cénacle, c'est que vous êtes un chroniqueur lié au grand capital et/ou cheval de troie des éditeurs et/ou espion au service de la Corée du Nord et/ou désireux de tromper les malheureux internautes sur la qualité des livres en les informant sans aucune objectivité avec une idée derrière la tête sans doute et/ou en ennuyant vos visiteurs... sur le roman noir et le polar. En fait ce que cela induit est que, ne faisant pas partie des gardiens de la vraie foi, vos propos futurs seront suspects. Goûteux non ?

Bien sûr, ça renaude dans les commentaires, parce que tous les blogs qui sont listés sur le côté d'Actu-du-Noir répondent à la définition d'indépendance - la plupart des blogueurs paient leurs livres et en parlent sûrement avec passion, ils ne sont pas liés à des libraires ou à des éditeurs –, pour l'objectivité, je ne sais pas trop ce que cela veut dire, mais dans le doute, on peut leur accorder. Si des blogs répondent aux critères du serment de fidélité, c'est bien ceux-là. Est-ce le cas de ceux qui sont déjà dans la place et qui n'auront pas à satisfaire d'une quelconque examen de leur honnêteté ? Rien ne nous permet de ne pas douter.

A suivre.
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Message par edmond Gropl Mer 5 Aoû - 10:26

Effectivement.. Je ne doute absolument pas de la volonté des chroniqueurs de promouvoir et défendre le roman noir mais ce reflexe de regroupement sous la bannière "Serial Kronik" est étrange.
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Message par limbes Mer 5 Aoû - 11:43

stalker a écrit:
La question à se poser est peut-être toute simple : A-t-on le temps, l'envie, les dispositions, la nécessité profonde de creuser un sujet, de le disséquer, ou au moins de dépasser le stade de l'approche minimum (intrigue, personnages, chute - accessoirement rapport à une situation sociale et politique de surface : la gauche, la droite) pour soulever les strates visibles et ne pas en rester là - choisir de désigner la culture non pas comme un objet de divertissement, mais comme un ensemble de travaux susceptibles d'orienter notre propre existence, de modifier nos convictions, de changer notre vie ?

A mon avis c'est la question essentielle, et dans ce cadre discriminer ça reviendrait peut-être à quelque chose de l'ordre de se donner les moyens de (re)trouver un désir singulier, propre, ou au moins plus lucide, en se forgeant à soi les outils pour cheminer en dehors du désir de l'autre.
C'est aussi avoir une conception de la littérature ou de l'art dans la vie, et non à côté, dans un compartiment bien étanche qu'on mobiliserait uniquement pour oublier qu'on va crever d'un cancer des poumons même si on a arrêté de fumer depuis 20 ans (la vie est dégueulasse). C'est comme d'un côté le plaisir, de l'autre la réflexion (certains livres là, d'autres ici et les vaches seront bien gardées). Pour ma part je ne vois pas de plaisir plus intense (comme dans une relation avec une personne) à être questionnée, intriguée, bouleversée, mise en question par un livre ou un film, ou etc.

C'est pour ça qu'en tant que lectrice éventuelle de chroniques d'un blogueur qui entend partager ses lectures, je trouve aussi plus intéressant que soient chroniqués également ce qu'il considère comme de mauvais livres.
Pourquoi ne pas rendre visible le travail de discrimination, s'il existe? (S'il n'existe pas c'est plus inquiétant, ou alors comme hoel le blogueur est soit très chanceux soit très averti dans ses choix en amont)... ça et le fait de signaler la provenance des livres chroniqués renforcerait une forme de transparence dans l'indépendance revendiquée.
Sinon la suspicion de publicité (même inconsciente) existe.

Ce qui est frappant avec internet, c'est que ça nous met sous les yeux en permanence et bien plus qu'avant le désir des autres, et ce spectacle est assez monstrueux non pas par des heurts dantesques de subjectivités, mais bien parce qu'il nous plonge dans un brouet insipide et uniforme, dans lequel pour les raisons que donnent Varg il est facile de s'engluer un peu plus, pour "en être".

Il faudrait peut-être créer un concept de subjectivité objective, ou objectivité subjective, qui désignerait une sorte de "critique" qui ferait part de son immersion personnelle, chaotique et partielle dans l'oeuvre, tout en mobilisant ce qui lui paraît pertinent pour la mettre en reliefs, à son échelle de lecteur.
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