Herzog

Une petite coupure de Libé.

Vendredi, Werner Herzog débarquait sur le Lido avec son faux remake de Bad Lieutenant. Or, à 19 heures, le générique de My Son, My Son, What Have Ye Done attestait qu'il y avait bien un second Herzog en lice. Une première. Ex-chien fou du cinéma allemand des seventies, Herzog a connu dans les années 90 une sale traversée du désert. Aussi sait-il apprécier son retour en grâce et qu'on lui offre de reprendre le personnage de Bad Lieutenant, ce flic pourri qu'Abel Ferrara avait imaginé pour Harvey Keitel en 1992. Nicolas Cage prend en main le personnage et joue le truc à fond : jusqu'à ne plus pouvoir ouvrir les yeux dès le second rail de coke sniffé. Cette jouissance du jeu est à la fois la joie du film et sa limite : il faut attendre 40 minutes avant que quelque chose de bizarre se passe à l'image, qui déborderait le scénario : un alligator sur la route, la caméra d'Herzog juchée sur son dos ! Ce n'est pas avec Ferrara que le film dialogue mais avec Hollywood et ses limites.

Aussi, on peut trouver My Son plus intéressant, et autrement plus taré. Le film là encore dialogue avec son producteur, en l'occurrence David Lynch, ce qui autorise Herzog à placer très haut la barre esthétique. Willem Defoe est un flic qui enquête sur la vie d'un illuminé (incroyable Michael Shannon), écoute soir et matin le blues de prêcheur de Washington Phillips et finit par prendre sa mère et deux flamants roses en otage. Sa vie de jeune antéchrist est racontée par sa fiancée, la sage Chloë Sevigny, et son prof de théâtre, Udo Kier. En enquêtant sur lui, Herzog réalise là ce que le scénario trop bien foutu de Bad Lieutenant ne lui laissait pas l'espace de faire : un portrait de profundis d'une Amérique barrée. Puissant.