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encore un inachevé : RKO 1ere partie version n

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Message par fredgev Sam 1 Nov - 13:10

Une cigarette se consume sur le bord d’un cendrier à la terrasse d’un bistrot… Des rayons de soleil plongent dans une pièce à l’abandon…Une porte entrebâillée … De la vapeur … Une autre porte entrebâillée… Des hurlements deux étages plus bas…
Un rêve chasse un autre rêve.
J’ouvre les yeux. Rapide coup d’œil aux aiguilles de ma montre : éclats verdâtres, deux heures vingt du matin. Ou bien quatre heures dix. Peu importe.
Je referme les yeux.
Des valises dans le coffre d’un break Volkswagen qu’on a revendu il y a plus de dix ans… Des trousses de toilette dans des sachets en plastique… Des pièces vides. Des pièces vides et des fenêtres sans rideau. Des rayons de soleil agressifs… Le coffre de la voiture rempli à ras-bords… Des trousses bourrées de plaquettes de comprimés… Pleines à craquer… Un autre hurlement encore un étage plus bas…
Un rêve chasse un autre rêve.
J’ai la bouche sèche et la langue râpeuse. Un relent de migraine au fond du crâne. J’ai froid. Une chaleur à crever… Imovane... Stilnox… Atarax… Cigarette cramée sur le bord du cendrier… Le soir tombe dans la pièce mais personne n’est entré… Comprimés à la pelle Xanax, Rivotril, Urbanyl… Des plicatures… Le goût d’une JPS… On rouvre le coffre pour vérifier que l’on n’a rien oublié… Un autre bruit un autre étage… Des éclats d’os au milieu d’un terrain vague…

Stop.

J’allume la lampe d’appoint et je plisse les paupières. J’ai encore fait tomber la couverture en dormant. Elle gît sur le carrelage, au bas du canapé. J’ai le dos défoncé. Je me redresse et sens mes genoux craquer. Je donnerai n’importe quoi pour un lit.
Je ramasse le bouquin de Marla. Une vulgarisation sur la théorie du chaos qu’elle a cosigné il y a deux ans. Je me suis encore endormi dessus sans rien y comprendre. Des mots qui résonnent en écho dans mon demi-sommeil. Horizons de Lyapounov, imprédictibilité, papillons inconscients et attracteurs étranges. Je lis la même ligne à trois reprises avant de laisser tomber. Je pousse le livre du bout du pied et je me lève pour de bon.

Un rêve chasse un autre rêve puis un autre rêve puis un autre rêve. Dans le dernier, j’étais de retour aux limites de la ville. Le terrain vague silencieux, la palissade et les affiches illisibles, des noms de groupes de rock improbables et dissonants. Autour, tous les volets des bistrots sont abaissés. Et il est clair que personne ne prolonge la fête à l’intérieur.
Putain de rêve. Le terrain vague au bout de la ville. Un rêve chasse un autre rêve et un autre rêve et je finis toujours aux limites de la ville.
Comme une putain de malédiction.
Maintenant je suis debout. Pas vraiment réveillé malgré le carrelage glacé. Encore un pied dans le rêve. Dans cet horizon morne. Attiré par je ne sais quel étrange appel.
Je me remue. J’erre dans la pièce à tâtons, dans la lumière timide. Il ne faudrait pas que je renverse un truc et que je trouble le silence de la maison. On n’entend que les bourdonnements du frigo. A l’étage, notre chambre, à Marla et moi, et puis celle de Julia. Moi en bas, dans le salon. C’est mieux comme ça, probablement. L’insomnie ne se partage pas.
Je soupire en m’avançant vers la cuisine. Je referme la porte avec précaution avant d’allumer les néons. Un vrai chantier. Je m’assieds et je retiens un éternuement. Sur la table, une bouteille de rouge aux trois quarts vide, et le verre de Marla dont le fond a coagulé. Le mien est Dieu sait où. Je remplis le verre de Marla. Je n’y touche pas.
Il faudrait que je m’y remette, je me dis. Mais je sais déjà que je n’y arriverai pas. L’insomnie, la bouteille vide et le rêve récurrent ne sont pas des évènements indépendants. Ils s’attirent l’un l’autre de façon étrange. Ils se multiplient et se rejoignent. Comme des motifs qui se répètent et se répètent et se répètent dans une image fractale. Conneries. Un rêve chasse un autre rêve puis un autre rêve etcetera. Mon cul. J’ouvre les yeux, j’ouvre toujours les yeux, au bout du compte. Et je vois une maison triste et silencieuse, une cuisine en chantier. Je vois un canapé pour dormir des nuits moites et solitaires, juste à côté un fatras de papier. Une sédimentation de trois ou quatre bonnes années. Dans les couches supérieures, le contrat d’un grand éditeur pour le récit de mon enlèvement. Juste au dessus, une cinquantaine de feuillets même pas relus, le récit en question. Bien en dessous, d’autres récits d’autres époques. Une putain d’ère glacière au dessus de tout ça pour en arriver là. Et puis là, juste devant moi, sur la table à peine nettoyée, le verre est toujours là. Intact. Je vide son contenu dans l’évier. Un filet d’eau pour effacer le filet rouge. Un rêve chasse un autre rêve et puis voilà.
J’en suis à ces instants de lucidité forcée, un quart d’heure après le pied au sol, toujours. J’ai eu beau chasser les rêves à coups de Xanax, d’Urbanyl et Imovane, j’en suis toujours là. Le dos défoncé, la poitrine froide et meurtrie, le souffle court.
Le même rêve au bout du compte. Le même terrain vague. La même incertitude des deux heures vingt ou quatre heures dix du matin. Les pages blanches qui sommeillent sous d’autres pages blanches. Des histoires inachevées et des réveils à la con.
C’est Marla qui a raison.
Je retourne dans le salon et je pousse la porte qui donne sur l’escalier pour ne pas faire de bruit. Julia a toujours eu le sommeil fragile. Je pose mon ordinateur ultra-portable sur la table à manger et pendant que Windows se lance j’envisage mon angle d’attaque de la nuit. Chapitre Un, encore chapitre un. Probablement pas plus loin.
Si ça se trouve, le contrat n’est même plus valable.
Je lance le fichier Word et tape quelques lignes sur le clavier. Les touches sont minuscules et j’accumule les fautes de frappe. La barre d’espace est défectueuse et la plupart du texte se souligne de rouge sans que je le veuille. Je retourne en arrière. Rien de valable encore. Il faudrait que je mette de la musique.
Pas moyen je retourne au fichier original.
Je n’y arriverai pas. J’avais juste à apporter un témoignage mais j’ai tout voulu romancer. Je me relève et je m’en vais fumer une cigarette dans la cave. Je descends les escaliers pieds nus pour ne pas faire de bruit. Je préfère ne pas imaginer toute la poussière que soulèvent mes pas.

Le temps passe. Trois cigarettes et trois allers retours à la cave et puis le jour se lève. Je réchauffe en vitesse un café. On y verra plus clair ce soir.
fredgev
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