Hillerman, Tony - Le vent sombre (1982 - Rivages 1987)

Désireux de mettre la main sur l'homme qui sabote un moulin sur les anciennes terres communes Hopi-Navajo, Chee est présent lorsqu'un petit avion, certainement de passeurs de drogue, se crashe en plein nuit au fond d'un wash proche. Il n'a pas vu l'accident mais est témoin de bien des choses ensuite - meurtre, disparitions - ce qui le rend immédiatement suspect aux yeux d'un agent de la DEA qui voudrait bien récupérer la marchandise. Ajoutez à cela le cambriolage d'un comptoir d'échanges proche par un repris de justice navajo et la découverte, sur Black Mesa d'un cadavre décomposé dont le Sergent doit déterminer l'identité ! Mieux vaut pour Chee passer beaucoup de temps sur le terrain, au contact d'une culture hopie qui continue de considérer les membres du Diné avec méfiance et dans le voisinage de blancs qui se soucient fort peu de la vie humaine...

Comme toujours chez Hillerman, il y a plusieurs fils à son histoire qui ne feront qu'un à l'arrivée. Pour ce deuxième roman mettant le jeune Chee en scène, l'histoire principale reste celle de la confrontation entre la culture hopie – pueblos ultra-religieux dont la réserve s'est historiquement retrouvée incluse dans l'immense territoire dévolu au Diné, leurs ennemis – et l'approche navajo traditionnaliste que le jeune sergent, apprenti hataali, représente.

De ce fait, Le vent sombre est le symétrique équivalent du Là où dansent les morts dans la trilogie ayant le lieutenant Leaphorn pour héros. Hillerman est parfaitement documenté sur la très spécifique société hopie et tout ceci est, une fois encore, parfaitement utilisé, notamment pour mieux faire comprendre aux lecteurs, par comparaison, la pensée navajo, cette façon métaphysique d'appréhender le monde et sa recherche permanente de l'harmonie (hózhó). La personnalité de Chee, rebelle à l'autorité mais respectueux des gens et des choses, commence à se préciser.

Malgré un rythme volontairement lent, les rebondissements ne manquent pas jusqu'au final, haletant, sous les trombes d'eau qui vont nettoyer les mesas hopies de ce vent sombre, « ce souffle mauvais qui envahit le cœur des hommes et qui les pousse à contrevenir à l'harmonie et à la Beauté du monde. » Un grand Hillerman.

Biographie de l'auteur

Je trouve la couverture tout à fait idoine. Tant que nous ne savons pas réellement ce qu'est le vent sombre, c'est-à-dire les pulsions mauvaises qui conduisent l'homme qui en est saisi à faire le mal, celui-ci peut être ce ciel d'orage noir, lourd, chargé qui contraste si violemment avec les bruns chauds des formations rocheuses assez typiques des paysages du Sud-Ouest amerlocain. Il s'agit presque du même équilibre chromatique que sur la couverture de Là où dansent les morts ce qui renforce le lien symbolique entre les deux romans.

Je remarque que sur la couverture de mon exemplaire, les roches sont beaucoup moins rouges que sur l'image récupérée sur le site rivages. Elles tirent même vers le verdâtre et le sinistre, sans que je puisse savoir si c'est un effet du temps ou si l'image du site reproduite ici a été shopée.

Ainsi, Le vent sombre vient d'un roman d'Hillerman. Voilà une lacune comblée.
Il m'arrive de noter des variantes entre les teintes d'une couverture que j'ai entre les mains et une reproduction, même de qualité, sur Internet. Mais il m'arrive aussi d'en noter entre deux livres : un neuf et un plus ancien. Impact du temps et de la lumière, ou bien réimpression.

Il faudra bien que je lise Hillerman avant de mourir.

Oui, je mets sur mon site tout ce qu'il y a de mauvais en moi, d'où le titre. Je garde le meilleur pour le Bazar, naturellement...

J'ai envie de m'y plonger moi aussi (d'autant que dans mon inculture crasse je pensais que Jim Harrison était un des rares écrivains américains à avoir une conscience historique et un intérêt pour les cultures indiennes)

Tu ne seras pas dépaysée entre le Montana harrisonien et les Four Corners hillermaniens. Attention quand même, Harrison reste un monstre du roman, ce que n'est pas Hillerman.

Tu peux également te pencher sur l'œuvre de Sherman Alexie ou celle de James Welsh, deux poètes et romanciers indiens traduits en français (chez 10/18 et chez Albin Michel)

Merci pour les références, je vais les chercher; ça m'intéresse beaucoup, notamment ce rapport à la nature qui m'est si - a priori - étranger.

Les deux derniers cités (Alexie et Welsh) sont un petit peu là pour contre-balancer cette vision romantique de l'indien-proche-de-la-nature ou même du bon indien qu'ont développé les Amerlocains blancs. C'est plutôt amer et déglingué.

L'écriture d'Hillerman va se rendre compte, à un moment, de son propre mensonge sur ce point.



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Je m'étonne que Cormac McCarthy soit absent dans ces références.
A ce propos, on m'a offert le week-end dernier l'édition originale de son roman Méridien de sang (ou Le rougeoiement du soir dans l'Ouest) - 1988, chez Gallimard. Je le mentionne en écho à vos précédents commentaires, et un peu aussi pour la couverture assez abominable de cette édition (fort heureusement améliorée par la suite chez Points).

J'en reparlerai prochainement.

Harrison ne doit pas aimer McCarthy (le point de départ était la citation faite par Limbes d'Harrison qui conseillait de lire Hillerman pour comprendre ce qu'était le désert en Utah et Colorado).


De quelle couverture parles-tu pour Méridien de sang ? Ma version c'est celle de la Noire donc effectivement c'est pas terrible...

Il y a deux couvertures dans la collection Points (cela doit dépendre de la date d'édition...)



Il y a eu également une sortie chez l'Olivier :

C'est celle-ci :



J'ai dû la scanner. Visiblement, personne n'a osé la mettre sur Internet. Je le comprends...
Mais ça ne va pas m'empêcher de lire le roman, cela dit.

limbes a écrit:Merci pour les références, je vais les chercher; ça m'intéresse beaucoup, notamment ce rapport à la nature qui m'est si - a priori - étranger.

Si le rapport à la nature dans la littérature américaine t'intéresse, tu ne peux pas passer à coté des romans de l'excellent éditeur Gallmeister, qu'ils soient étiquetés noir (Tapply ou Abbey entre autres) ou non (toute la collection Nature Writing).

Si tu ne connais pas, tu peux jeter un œil sur le site de l'éditeur, agréable à la navigation qui plus est.

stalker a écrit:C'est celle-ci :

Bouh, elle est vraiment môche, en effet...

Merci hoel, je suis allée sur leur site, et ça fait envie effectivement. Je vais fouiner, et lire